Dans les rues de Magdebourg, la tristesse est palpable. Cette ville de l’est de l’Allemagne pleure les victimes de l’attaque meurtrière qui a frappé son marché de Noël, faisant au moins 5 morts et plus de 200 blessés. Devant l’église Johannis, des dizaines d’habitants se recueillent en silence, déposant bougies et bouquets de fleurs. Mais en cette période de campagne électorale, la politique n’est jamais loin.
L’extrême droite allemande accusée d’instrumentalisation
Alors que le choc et l’émotion dominent encore, certaines voix s’élèvent déjà pour pointer du doigt les responsabilités politiques. Près du mémorial improvisé, un homme apostrophe le chancelier Olaf Scholz venu se recueillir : « Faites de la politique pour le peuple, asseyez-vous à table avec l’AfD !« , lui lance-t-il, en référence au parti d’extrême droite allemand. Un appel du pied que beaucoup jugent déplacé en de telles circonstances.
Car si les motivations exactes de l’auteur présumé, un ressortissant saoudien, restent troubles, l’AfD est accusée par ses détracteurs de chercher à capitaliser politiquement sur ce drame national. À deux mois d’élections législatives anticipées, le parti anti-immigration, crédité de 18% des intentions de vote, multiplie les déclarations controversées.
La question de l’immigration s’invite dans le débat
Dans une Allemagne où la question migratoire est ultra-sensible depuis la crise des réfugiés de 2015, l’attentat de Magdebourg a remis le sujet sur le devant de la scène. « Ce sont à nouveau des Allemands que l’on écrase« , s’emporte Fred Köhler, un habitant. « Tout cela se passe avec l’autorisation de notre régime à Berlin, qui tolère ça« , renchérit-il, très remonté contre les partis traditionnels.
Des propos que l’on entend de plus en plus fréquemment dans les rangs des sympathisants d’extrême droite. Pour eux, Angela Merkel et sa politique d’accueil généreuse seraient responsables de l’insécurité actuelle. Un discours auxquels les partis traditionnels peinent à répondre dans une atmosphère de plus en plus tendue.
Appels à l’unité et à la retenue
Face à la récupération politique, d’autres en appellent à l’apaisement et à la dignité. « Il est très important de ne pas laisser les politiques instrumentaliser cet attentat« , met en garde Knut Panknin, un Germano-Américain venu se recueillir. « Il faut que les politiques se soucient de la sécurité, mais sans abandonner le champ aux populistes« , souligne-t-il.
Un message relayé par de nombreux responsables politiques nationaux. « En ces heures douloureuses, nous devons rester unis et ne pas céder à la peur et à la division« , a ainsi déclaré le ministre de l’Intérieur. Mais à quelques semaines d’un scrutin qui s’annonce tendu, l’appel à la retenue semble bien difficile à entendre pour certains.
Une campagne électorale sous haute tension
Car l’attaque de Magdebourg intervient dans un contexte politique particulièrement inflammable. Avec la montée de l’AfD dans les sondages, la question sécuritaire et migratoire s’est imposée comme un thème central de la campagne. Un contexte dont le parti d’extrême droite entend bien profiter pour gagner encore du terrain.
Mais cette stratégie est loin de faire l’unanimité, y compris dans les rangs conservateurs. « Toute tentative d’instrumentalisation de ce drame à des fins politiques est indigne et irresponsable« , a ainsi tonné le chef de l’opposition Friedrich Merz. Des déclarations qui illustrent les lignes de fracture qui traversent la classe politique allemande sur ces questions ultrasensibles.
L’Allemagne face à ses démons
Plus largement, l’attaque de Magdebourg vient raviver le traumatisme de l’attentat de Berlin en 2016. Et avec lui, les débats qui traversent la société allemande sur son rapport à l’immigration et à l’intégration. Des sujets douloureux et clivants, qui continuent de diviser profondément le pays.
Dans ce contexte, beaucoup craignent que la tragédie de Magdebourg ne soit le prélude à une campagne électorale particulièrement tendue et anxiogène. Avec le risque de voir les thèses xénophobes et sécuritaires de l’extrême droite gagner encore du terrain dans une opinion publique de plus en plus inquiète et polarisée. Un cocktail potentiellement explosif à deux mois d’échéances électorales cruciales pour l’avenir du pays.
Pendant ce temps, Magdebourg continue de panser ses plaies. Et tente de garder espoir en des jours meilleurs, par-delà la peur et les divisions. Avec une certitude: rien ne sera plus comme avant après ce 21 décembre 2024. L’Allemagne retient son souffle, suspendue aux urnes qui dessineront bientôt son avenir.