Imaginez une capitale vibrante, soudainement plongée dans le chaos. À Antananarivo, Madagascar, les rues résonnent des cris des manifestants et des appels inattendus d’un contingent militaire qui défie ouvertement le pouvoir. Depuis le 25 septembre, une vague de contestation secoue l’île, mêlant frustrations populaires et revendications audacieuses de soldats. Cette crise, à la croisée des chemins entre désobéissance militaire et soulèvement citoyen, pourrait-elle redessiner l’avenir politique du pays ?
Une Crise Qui Ébranle Madagascar
Depuis plusieurs semaines, Madagascar vit au rythme de manifestations d’ampleur. Ce qui a débuté comme une grogne contre les coupures récurrentes d’eau et d’électricité s’est transformé en un mouvement de contestation plus large, visant directement le président Andry Rajoelina. Des milliers de personnes descendent dans les rues, particulièrement dans la capitale, Antananarivo, pour exprimer leur mécontentement face à une gouvernance jugée défaillante. Mais ce qui rend cette crise unique, c’est l’intervention d’un contingent militaire qui, loin de réprimer, choisit de s’aligner avec les citoyens.
Un Appel Inédit à la Désobéissance
Un vent de révolte souffle sur une base militaire clé près d’Antananarivo. Dans une vidéo diffusée récemment, des soldats du CAPSAT, un corps administratif et technique de l’armée, ont lancé un message retentissant : un appel à la désobéissance. Ils exhortent leurs camarades militaires, gendarmes et policiers à refuser les ordres de tirer sur les manifestants. « Unissons nos forces, refusons d’être payés pour tirer sur nos amis, nos frères et nos sœurs », ont-ils déclaré, dans un discours poignant qui rappelle des moments historiques de rupture.
« Fermez les portails et attendez nos instructions. N’obéissez plus aux ordres venant de vos supérieurs. »
Soldats du CAPSAT, dans une vidéo diffusée samedi
Ce message ne se limite pas à un simple refus. Les militaires vont plus loin, demandant à leurs collègues stationnés devant les palais présidentiels de quitter leurs postes et à ceux de l’aéroport d’Ivato de bloquer tout décollage d’avion. Cet appel, aussi audacieux qu’inédit, pourrait marquer un tournant dans la crise actuelle. Mais combien de soldats ont répondu à cet appel ? Pour l’instant, l’ampleur de cette dissidence reste floue, ajoutant une couche d’incertitude à une situation déjà explosive.
Une Répression Qui Attise les Tensions
Face à cette montée de la contestation, les forces de l’ordre ont eu recours à des moyens musclés pour disperser les foules. Gaz lacrymogène et grenades assourdissantes ont été utilisés à Antananarivo, où des milliers de personnes ont manifesté samedi, dans ce qui constitue la plus grande mobilisation depuis le début du mouvement. Selon un rapport des Nations unies, au moins 22 personnes auraient perdu la vie depuis le 25 septembre, et plus d’une centaine d’autres ont été blessées. Ces chiffres, bien que contestés par le président Rajoelina, qui parle de « 12 morts » parmi des « pilleurs et casseurs », soulignent la gravité de la situation.
Événement | Date | Conséquences |
---|---|---|
Début des manifestations | 25 septembre | Contestation des coupures d’eau et d’électricité |
Appel à la désobéissance | Samedi récent | Soldats du CAPSAT défient le pouvoir |
Répression des manifestations | En cours | 22 morts, plus de 100 blessés (selon l’ONU) |
Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, a exhorté les autorités à cesser le recours à une « force inutile ». Cet appel intervient après des journées marquées par des affrontements violents, qui ont exacerbé les tensions entre le pouvoir et la population. Pourtant, loin de calmer les esprits, la réponse du gouvernement semble avoir attisé la colère.
Le Tournant Sécuritaire du Pouvoir
Face à l’escalade, le président Andry Rajoelina, âgé de 51 ans, a opéré un changement stratégique. Après avoir tenté un ton conciliant et limogé son gouvernement, il a nommé un militaire comme Premier ministre, accompagné de trois nouveaux ministres aux postes clés : Armées, Sécurité publique et Gendarmerie. Ce virage sécuritaire traduit une volonté de reprendre le contrôle, mais il pourrait aussi aggraver la fracture avec une population déjà méfiante.
Le nouveau ministre des Armées, le général Deramasinjaka Manantsoa Rakotoarivelo, a tenté de désamorcer la situation en appelant au calme et au dialogue. « L’armée malgache demeure un médiateur et constitue la dernière ligne de défense de la nation », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Mais ces paroles suffiront-elles à apaiser les militaires dissidents et une population en colère ?
Un Écho du Passé : La Mutinerie de 2009
La base militaire du CAPSAT n’en est pas à son premier acte de rébellion. En 2009, elle avait déjà été au cœur d’une mutinerie lors d’un soulèvement populaire qui avait conduit à l’accession au pouvoir d’Andry Rajoelina. Ce précédent historique donne une résonance particulière à l’appel actuel. La répétition de tels événements soulève une question cruciale : l’armée malgache est-elle à nouveau en train de basculer dans un rôle de faiseur de roi ?
Pour mieux comprendre la situation, voici les points clés de la crise actuelle :
- Origine des manifestations : Coupures d’eau et d’électricité, transformées en contestation du pouvoir.
- Action militaire : Appel à la désobéissance par le CAPSAT, demande de bloquer l’aéroport et les palais présidentiels.
- Réponse du gouvernement : Nomination d’un Premier ministre militaire et renforcement des ministères sécuritaires.
- Bilan humain : 22 morts et plus de 100 blessés selon l’ONU, chiffres contestés par le président.
Quels Enjeux pour l’Avenir ?
La crise à Madagascar dépasse désormais la simple question des services publics. Elle met en lumière des tensions profondes entre un pouvoir autoritaire et une population exaspérée, soutenue par une partie de l’armée. La désobéissance militaire, si elle venait à s’étendre, pourrait paralyser le pays et menacer la stabilité du régime. Mais elle pourrait aussi ouvrir la voie à un dialogue national, à condition que les parties prenantes privilégient la négociation à la confrontation.
Pour l’instant, l’incertitude domine. Les appels au calme du gouvernement contrastent avec la fermeté affichée par les manifestants et les soldats dissidents. La communauté internationale, via l’ONU, observe avec inquiétude, craignant une escalade qui pourrait plonger Madagascar dans une crise encore plus profonde. Une chose est sûre : les prochains jours seront décisifs pour l’avenir de l’île.
Et si cette crise était le prélude à un changement majeur ? Alors que les rues d’Antananarivo vibrent sous les pas des manifestants et que des soldats défient leurs supérieurs, Madagascar se trouve à un carrefour. La suite dépendra de la capacité des acteurs à écouter, dialoguer et, peut-être, réinventer un pays fracturé.