Imaginez un homme qui, pendant des années, a incarné la force répressive d’un régime, surnommé pour son usage intensif des gaz lacrymogènes lors des troubles passés. Aujourd’hui, ce même individu se retrouve écarté des institutions qu’il a contribué à défendre. À Madagascar, la politique réserve souvent des rebondissements inattendus, et la récente décision de la Haute Cour Constitutionnelle en est un parfait exemple.
Dans un pays encore marqué par les soubresauts de la crise d’octobre 2025, où des militaires ont pris les rênes du pouvoir, des ajustements institutionnels continuent de remodeler le paysage politique. C’est dans ce contexte tendu que deux figures liées à l’ancien régime viennent de perdre leur siège au Sénat.
Une refondation qui bouleverse les institutions malgaches
La Grande Île traverse une période de transition profonde depuis que le colonel Michaël Randrianirina s’est imposé comme l’homme fort du pays. Investi comme président de la Refondation, il pilote un processus visant à restructurer les fondations mêmes de l’État malgache. Ces changements ne se limitent pas aux discours : ils touchent concrètement les acteurs politiques d’hier.
Mercredi dernier, la plus haute juridiction du pays a rendu un arrêt qui n’a pas manqué de faire réagir. Deux sénateurs, absents à toutes les séances plénières de la session budgétaire 2025, ont été déclarés démissionnaires d’office. Une mesure stricte, mais prévue par les textes en vigueur.
Richard Ravalomanana, dit « Bomba » : un parcours mouvementé
Richard Ravalomanana n’est pas un inconnu dans la sphère politique malgache. Ancien général de gendarmerie, il s’est fait connaître lors des événements de 2009 par son recours marqué aux moyens de dispersion. Ce surnom de « Bomba » lui colle à la peau depuis lors, symbolisant une approche ferme face aux contestations.
Allié proche de l’ancien président qui a quitté l’île en octobre, il avait accédé à la présidence du Sénat avant que la crise ne l’ébranle. Nommé sénateur en 2023, il incarnait une certaine continuité du pouvoir précédent. Pourtant, sa présence au Sénat s’est raréfiée ces derniers mois.
La Cour a été formelle : son absence totale aux travaux de la session ordinaire équivaut à une démission tacite. Même une brève apparition en commission n’a pas suffi à justifier une participation effective. Des observateurs notent qu’il continuerait à influencer certains rouages de la gendarmerie, malgré son statut de retraité.
Lalatiana Rakotondrazafy : une autre figure écartée
La seconde concernée par cette décision est Lalatiana Rakotondrazafy. Ancienne ministre de la Communication et de la Culture, elle avait également occupé le rôle de porte-parole du gouvernement. Nommée sénatrice au début de l’année, elle partage le même sort pour les mêmes motifs : absences non justifiées.
Cette double démission d’office illustre la volonté de nettoyer les institutions des éléments perçus comme reliés à l’ancien ordre. Dans un Sénat déjà transformé par les événements récents, ces départs marquent une étape supplémentaire dans la consolidation du nouveau pouvoir.
La Haute Cour Constitutionnelle au cœur des changements
Cette annonce survient à un moment précis. À peine deux jours plus tôt, un décret avait nommé trois nouveaux membres à la HCC. Signé par le président de la Refondation, ce texte faisait suite à ce qui était présenté comme des démissions volontaires de trois juges sortants.
Cependant, ces derniers ont publiquement démenti avoir remis leur démission. Une controverse qui soulève des questions sur la légitimité des renouvellements au sein de cette institution clé. La HCC, gardienne de la constitutionalité, joue un rôle pivotal dans la validation des actes du nouveau régime.
En déclarant les deux sénateurs démissionnaires, la Cour, dans sa composition rafraîchie, affirme son autorité. Elle applique rigoureusement les règles sur la présence obligatoire, envoyant un signal clair : personne n’est au-dessus des obligations parlementaires.
Retour sur la crise d’octobre : les origines du bouleversement
Pour comprendre ces évolutions, il faut remonter à octobre 2025. Des manifestations massives, portées par une jeunesse déterminée, ont secoué la capitale Antananarivo. Issues initialement de revendications sur l’accès à l’eau et à l’électricité, elles se sont muées en contestation globale du pouvoir en place.
Le ralliement d’une unité militaire aux protestataires a précipité la chute de l’ancien président, contraint à l’exil. Des affrontements ont éclaté, coûtant la vie à un soldat lors d’échanges de tirs avec les forces de l’ordre. C’est dans ce chaos que le colonel Randrianirina a émergé, promettant une refondation profonde.
Depuis, le pays navigue entre apaisement relatif et ajustements institutionnels. La dissolution de certaines structures et la nomination de nouveaux responsables visent à tourner la page d’une ère marquée par des tensions récurrentes.
Les implications pour l’avenir politique malgache
Ces démissions au Sénat ne sont pas isolées. Elles s’inscrivent dans une dynamique plus large de reconfiguration des pouvoirs. Le nouveau leadership militaire cherche à asseoir sa légitimité en marginalisant les figures associées à l’ancien régime.
Pour les observateurs, cela pose la question de la stabilité à long terme. Madagascar a une histoire riche en transitions et en retournements. La refondation promise devra concilier rupture et continuité pour éviter de nouveaux soubresauts.
En attendant, ces décisions judiciaires rappellent que les institutions, même en période de changement, continuent de fonctionner selon leurs mécanismes propres. L’absence prolongée d’un parlementaire n’est pas tolérée, quel que soit son passé ou ses appuis.
Points clés de la décision de la HCC :
- Absence totale aux séances plénières de la session budgétaire 2025.
- Démission d’office automatique, sans besoin d’excuse valable non admise.
- Application stricte des règles internes du Sénat.
- Impact sur deux sénateurs nommés par décret présidentiel antérieur.
Cette affaire illustre les défis d’une transition : comment rompre avec le passé tout en respectant les formes légales ? Les mois à venir diront si ces ajustements renforcent ou fragilisent le processus en cours.
Le rôle persistant des anciennes figures
Malgré son retrait officiel, Richard Ravalomanana continuerait, selon certaines analyses, à exercer une influence sur la gendarmerie. Ce genre de réseaux informels complique la tâche des nouvelles autorités, qui doivent affirmer leur contrôle total.
De même, l’ancienne porte-parole du gouvernement, bien que démise, représente un symbole de l’ère précédente. Leur éviction du Sénat envoie un message : la page se tourne, progressivement mais sûrement.
Dans un pays où les loyautés personnelles pèsent lourd, ces purges institutionnelles visent à prévenir tout retour en force des anciens alliés. La vigilance reste de mise, car l’histoire malgache enseigne que les absences temporaires peuvent précéder des retours spectaculaires.
Vers une stabilisation ou de nouvelles tensions ?
La refondation en cours promet des réformes profondes. Mais chaque décision, comme celle concernant le Sénat, est scrutée. Les nominations récentes à la HCC ont déjà suscité des polémiques, avec des démentis publics sur des démissions forcées.
Ces controverses pourraient alimenter des débats sur la légitimité du processus. Pour l’instant, le pouvoir militaire avance, appliquant les règles à sa manière pour consolider ses positions.
Les Malgaches, eux, attendent des améliorations concrètes : meilleure gouvernance, accès aux services de base, fin des coupures récurrentes. La politique institutionnelle, si elle fascine les observateurs, doit finalement servir ces aspirations quotidiennes.
En cette fin d’année, Madagascar continue son chemin vers un avenir incertain. Les démissions au Sénat ne sont qu’un épisode, mais révélateur des forces à l’œuvre. Reste à voir si cette refondation portera ses fruits, ou si elle ne fera que reporter les défis structurels du pays.
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La politique malgache, riche en surprises, nous rappelle que rien n’est jamais définitivement acquis. Ces événements récents invitent à une réflexion sur la résilience des institutions face aux changements de pouvoir.
Suivre l’évolution de la situation reste essentiel pour comprendre les dynamiques de cette nation insulaire aux enjeux complexes.









