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Madagascar : Crise et Manifestations Ébranlent Antananarivo

À Antananarivo, des milliers de jeunes défient le pouvoir dans une crise sans précédent. Pourquoi cette révolte ? Que veut la Gen Z ? Lisez pour comprendre...

Dans les ruelles sinueuses d’Antananarivo, la capitale de Madagascar, une clameur s’élève. Depuis le 25 septembre, des milliers de jeunes, galvanisés par le mouvement Gen Z, descendent dans les rues pour exiger le départ du président Andry Rajoelina. Face à eux, des partisans du pouvoir défilent également, créant une tension palpable dans une ville quadrillée par les forces de l’ordre. Ce dixième jour de contestation marque un tournant dans une crise qui, d’un simple mécontentement face aux coupures d’eau et d’électricité, s’est muée en un véritable bras de fer politique.

Une Île au Bord de l’Implosion

À Madagascar, l’une des nations les plus pauvres de l’océan Indien, la grogne populaire ne date pas d’hier. Avec près de 75 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté en 2022, selon la Banque mondiale, les conditions de vie précaires alimentent un mécontentement profond. Les coupures incessantes d’eau et d’électricité, loin d’être de simples désagréments, sont devenues le symbole d’une gestion gouvernementale défaillante. Ce ras-le-bol, initialement ancré dans des préoccupations quotidiennes, a rapidement pris une tournure politique, cristallisant les frustrations contre le président Andry Rajoelina, au pouvoir depuis 2018 et réélu en 2023 dans un scrutin controversé.

Gen Z : La Voix d’une Nouvelle Génération

Le mouvement Gen Z, né en ligne, incarne l’élan d’une jeunesse malgache déterminée à faire entendre sa voix. Réunis par petits groupes dans les quartiers d’Antananarivo, comme à Ambondrona, les manifestants convergent vers le centre-ville avec un message clair : Rajoelina, dégage. Ce slogan, affiché sur des pancartes de fortune, est devenu l’étendard d’une révolte portée par des étudiants et des jeunes des quartiers populaires. Parmi eux, Ilan, 18 ans, explique :

Je viens des bas quartiers. Là-bas, on voit les vraies conséquences des politiques du président. Pas d’électricité, pas d’eau courante. On récupère l’eau de pluie pour survivre.

Ilan, étudiant et manifestant

Ces jeunes, souvent issus des milieux les plus défavorisés, dénoncent un système qui les marginalise. Leur combat, inspiré par des références culturelles comme le logo One Piece revisité à la sauce malgache, mêle créativité et détermination.

Une Ville sous Tension

À Antananarivo, la situation est explosive. L’avenue de l’Indépendance, cœur battant de la capitale, est en état de siège. Des véhicules blindés stationnent devant l’hôtel de ville, tandis que des centaines de gendarmes, déployés sous les arcades, surveillent les moindres mouvements. Les barrages se multiplient, rendant l’accès au centre-ville difficile pour les manifestants. À Ambondrona, une cinquantaine de gendarmes ont repoussé des centaines de protestataires à la mi-journée, obligeant certains, comme Ilan, à battre en retraite en attendant des renforts.

Pourtant, la colère ne faiblit pas. Les manifestants dénoncent les violences qui ont marqué le mouvement. Selon un bilan de l’ONU, au moins 22 personnes ont été tuées et des centaines blessées depuis le début des manifestations. Ces chiffres, bien que contestés par le gouvernement, attisent la fureur des protestataires. Une banderole dans le cortège d’Antsiranana, grande ville du nord, réclame Justice pour Rivaldo, un jeune manifestant tué le deuxième jour du mouvement.

Le Pouvoir Riposte

Face à cette vague de contestation, le président Rajoelina a dénoncé une tentative de coup d’État. Dans une allocution diffusée sur les réseaux sociaux, il a accusé des pays et agences étrangers de financer le mouvement pour le destituer. Parallèlement, une marche de soutien au gouvernement, organisée par la présidence, a rassemblé des centaines de partisans au Coliseum, un amphithéâtre inauguré par Rajoelina en 2012. Ce lieu, chargé de symboles, rappelle son passé de président de transition, installé au pouvoir en 2009 à la suite d’un soulèvement populaire.

Cette polarisation entre pro et anti-Rajoelina illustre la fracture profonde qui traverse la société malgache. D’un côté, les partisans du président vantent ses réalisations, comme la construction d’infrastructures. De l’autre, les contestataires dénoncent une gestion autoritaire et une incapacité à répondre aux besoins fondamentaux de la population.

Une Crise qui Dépasse la Capitale

Si Antananarivo est l’épicentre de la contestation, le mouvement s’étend à d’autres régions. À Antsiranana, dans le nord, des milliers de jeunes, majoritairement étudiants, défilent avec la même ferveur. Leur mobilisation, pacifique mais déterminée, montre que la crise dépasse le cadre de la capitale. La grève annoncée par le syndicat des douanes, qui pourrait paralyser les importations, risque d’aggraver la situation dans un pays déjà fragilisé par ses difficultés économiques.

Pour mieux comprendre l’ampleur de la crise, voici les principaux enjeux en jeu :

  • Coupures d’eau et d’électricité : Symbole d’un mécontentement populaire face à des services publics défaillants.
  • Pauvreté endémique : 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, accentuant les inégalités.
  • Violences : Au moins 22 morts et des centaines de blessés, selon l’ONU, alimentant la colère des manifestants.
  • Polarisation politique : Manifestations pro et anti-gouvernement divisent la société.
  • Grève générale : L’appel à la grève par plusieurs organisations pourrait paralyser le pays.

Vers une Médiation ?

Dans ce climat tendu, le Conseil chrétien des Églises de Madagascar (FFKM), dirigé par l’archevêque catholique Jean de Dieu Raoelison, s’est proposé comme médiateur. Dans un pays où jusqu’à 85 % de la population est chrétienne, selon le Pew Research Center, cette initiative pourrait jouer un rôle clé. Cependant, le mouvement Gen Z et une vingtaine d’organisations associées ont averti qu’aucun arrangement politique ne serait accepté sans l’inclusion des porte-paroles des mouvements populaires.

Le Collectif condamne et récuse par avance tout arrangement politique qui se fera sans inclure les porte-paroles des mouvements de tout Madagascar.

Communiqué de Gen Z et organisations alliées

Cette exigence reflète la méfiance des manifestants envers les élites politiques, accusées de privilégier leurs intérêts au détriment du peuple.

Un Pays à la Croisée des Chemins

Madagascar, riche en ressources naturelles, reste paradoxalement l’un des pays les plus pauvres du monde. Ancienne colonie française indépendante depuis 1960, l’île fait face à des défis structurels : corruption, instabilité politique et catastrophes naturelles récurrentes. La crise actuelle, marquée par l’absence de nomination d’un nouveau Premier ministre cinq jours après le renvoi du gouvernement, pourrait plonger le pays dans une impasse.

Pour mieux saisir les dynamiques de cette crise, voici un tableau récapitulatif :

Aspect Détails
Origine de la crise Coupures d’eau et d’électricité, mécontentement face à la pauvreté
Acteurs principaux Gen Z, organisations civiles, partisans de Rajoelina, forces de l’ordre
Conséquences 22 morts (selon l’ONU), centaines de blessés, grève générale imminente
Enjeux Stabilité politique, justice sociale, accès aux services de base

La situation à Madagascar reste volatile. Alors que les manifestations gagnent en intensité, le président Rajoelina, ancien maire d’Antananarivo et figure controversée, doit naviguer entre répression et dialogue. La proposition de médiation du FFKM pourrait ouvrir une porte vers une résolution pacifique, mais les exigences de la Gen Z et la colère populaire laissent peu de place à la compromis.

Et Après ?

La crise malgache, bien plus qu’un simple mouvement de contestation, interroge l’avenir d’un pays aux ressources immenses mais à la population oubliée. Les jeunes, en première ligne, portent l’espoir d’un changement systémique, mais le chemin vers la stabilité reste semé d’embûches. Alors que les rues d’Antananarivo vibrent au rythme des slogans et des gaz lacrymogènes, une question demeure : cette révolte marquera-t-elle un tournant historique ou s’essoufflera-t-elle face à la répression ? L’avenir de Madagascar se joue peut-être dans ces moments de tension.

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