C’est un déjeuner en forme d’adieu qu’Emmanuel Macron offre ce mercredi à Olaf Scholz. Le président français reçoit le chancelier allemand à l’Élysée, à un mois des élections législatives outre-Rhin qui pourraient rebattre les cartes et voir l’arrivée au pouvoir de Friedrich Merz, le chef de l’opposition chrétienne-démocrate donné favori dans les sondages. L’occasion pour les deux dirigeants de dresser le bilan de trois années de relation compliquée, marquées par de profonds désaccords sur de nombreux dossiers européens.
Une visite de courtoisie pour tourner la page
Si le rendez-vous de ce 22 janvier est présenté comme un grand moment diplomatique, avec déclarations communes et menu gastronomique, la rencontre s’apparente surtout à une visite de courtoisie pour solennellement tourner la page Scholz. « Ce sera une visite de courtoisie », confirme Hans Stark, conseiller pour les relations franco-allemandes à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Loin du « couple » que formaient traditionnellement les chefs d’État français et allemands, Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont eu du mal à trouver une entente ces dernières années.
Un timing symbolique
Le déjeuner intervient pile le jour du 62ème anniversaire du Traité de l’Élysée, signé en 1963, qui avait scellé la réconciliation entre la France et l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Un symbole fort au moment où les deux pays traversent une passe difficile dans leurs relations. Mais aussi un moyen de rappeler les liens historiques indéfectibles entre Paris et Berlin, au-delà des aléas politiques et des personnalités.
Merz, nouvel interlocuteur de Macron
Surtout, la rencontre permet à Emmanuel Macron de se projeter vers l’avenir. Dès le lendemain, tous les regards seront tournés vers Friedrich Merz, actuel chef de l’opposition et très probable futur chancelier si son parti l’emporte comme attendu aux élections du 23 février. Selon une source proche du dossier, des contacts auraient déjà été noués entre l’Élysée et celui qui pourrait devenir le nouvel homme fort de Berlin. Avec l’espoir côté français d’une relation plus fluide et apaisée qu’avec Olaf Scholz.
Il n’y a pas eu de « couple franco-allemand » sous Macron et Scholz. On était en désaccord sur presque tous les grands sujets.
Hans Stark, conseiller pour les relations franco-allemandes à l’Ifri
Des attentes fortes côté français
Car malgré une volonté commune de travailler main dans la main, les désaccords ont été nombreux entre Emmanuel Macron et Olaf Scholz, de la politique européenne à la guerre en Ukraine en passant par les grands projets industriels. « Je voudrais qu’on se mette au travail », a ainsi déclaré récemment le ministre français aux Affaires européennes Clément Beaune, évoquant pêle-mêle « la relance de la compétitivité et de l’investissement » ou encore « la défense ». Comprendre : les priorités de Paris pour la relation franco-allemande dans la période à venir.
La méthode Merz en question
Reste à savoir si Friedrich Merz saura se montrer un partenaire plus conciliant. « Merz n’est pas facile non plus », prévient Hélène Miard-Delacroix, spécialiste de l’Allemagne à La Sorbonne. « La façon qu’a Scholz d’être buté c’est de ne rien dire. Merz, s’il est buté, on va l’entendre. Il est un peu colérique ». Un changement de style qui ne présage pas forcément d’une entente immédiate sur tous les sujets. Mais qui a le mérite de la clarté. À Paris, on veut y voir le signe d’un nouveau départ dans le dialogue franco-allemand.
L’Europe et l’Ukraine au menu
Les dossiers ne manqueront pas sur la table des deux dirigeants ce mercredi. Au premier rang desquels l’avenir de l’Europe et la position à adopter vis-à-vis de la Russie et de l’Ukraine, deux jours seulement après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. D’après une source diplomatique, Emmanuel Macron entend pousser pour la mise en place rapide de « garanties de sécurité » pour l’Ukraine. Tout en cherchant à maintenir un canal de dialogue avec Moscou.
Ils vont mettre en avant l’importance du travail franco-allemand pour consolider une Europe unie, forte et souveraine, attachée au lien transatlantique.
Une source à l’Élysée
Une fenêtre de tir étroite
Autant de sujets sur lesquels Paris espère trouver une oreille plus attentive auprès du prochain gouvernement allemand. Mais Emmanuel Macron sait que la fenêtre de tir est étroite. Affaibli politiquement, le président français devra lui aussi passer le témoin dans un peu plus d’un an. D’ici là, l’objectif est de « se mettre au travail » rapidement pour tenter de relancer la dynamique du couple franco-allemand. Faute de quoi l’axe Paris-Berlin risque de tourner au ralenti pendant de longs mois. Un scénario que personne ne souhaite, ni à l’Élysée ni à la Chancellerie.
