Et si l’Europe, longtemps championne du libre-échange, décidait soudain de sortir l’artillerie lourde contre la Chine ? C’est exactement le message qu’Emmanuel Macron vient d’envoyer à Pékin, avec une fermeté rarement entendue dans les couloirs bruxellois.
De retour d’un déplacement officiel en Chine, le président français a mis les pieds dans le plat : sans mesures concrètes pour réduire le déficit commercial abyssal entre l’Union européenne et l’empire du Milieu, des droits de douane massifs seront imposés « dans les tout prochains mois ». Un avertissement qui fait l’effet d’une bombe.
Un ultimatum sans précédent
Le ton est grave. Le président français l’assure : la situation est devenue « une question de vie ou de mort » pour l’industrie européenne. Entre les tarifs américains qui détournent les flux chinois vers le Vieux Continent et la concurrence acharnée made in China, l’Europe se retrouve coincée dans un étau.
« La Chine vient percuter le cœur du modèle industriel et d’innovation européen », explique-t-il. Et ce cœur, historiquement, bat au rythme de la machine-outil et de l’automobile. Deux secteurs aujourd’hui directement menacés par l’offensive chinoise, notamment dans les véhicules électriques.
« Je leur ai dit que, s’ils ne réagissaient pas, nous, Européens, serions contraints, dans les tout prochains mois, de prendre des mesures fortes (…) à l’instar des États-Unis, comme par exemple des droits de douane sur les produits chinois. »
Le piège du protectionnisme américain
Paradoxalement, ce sont les États-Unis qui aggravent la situation européenne. Les droits de douane imposés sous l’administration Trump, même légèrement réduits récemment, ont eu un effet boomerang : une partie des exportations chinoises, bloquées à l’entrée du marché américain, se sont redirigées massivement vers l’Europe.
Résultat ? Nos marchés sont inondés de produits à bas prix, souvent subventionnés, qui écrasent la concurrence locale. L’automobile électrique chinoise, en particulier, représente aujourd’hui une menace existentielle pour les constructeurs européens.
Le président français le reconnaît sans détour : « Aujourd’hui, nous sommes pris entre les deux ». D’un côté Washington qui protège son industrie, de l’autre Pékin qui inonde le monde de ses productions. Et l’Europe, au milieu, risque de tout perdre.
Une dizaine de secteurs dans le viseur
La liste des domaines concernés est longue et stratégique. Elle donne le vertige :
- Les batteries lithium-ion
- Le raffinage de lithium
- L’éolien
- Le photovoltaïque
- Les véhicules électriques
- Les pompes à chaleur air-air
- L’électronique grand public
- Les technologies de recyclage
- La robotique industrielle
- Les composants avancés
Autant de filières où la Chine a pris une avance considérable, parfois grâce à des aides publiques massives, et où l’Europe risque de se retrouver durablement dépendante.
Investissements oui, mais pas à n’importe quel prix
Pourtant, Emmanuel Macron ne ferme pas la porte. Bien au contraire. Il appelle même les entreprises chinoises à venir investir massivement sur le sol européen. « Nous ne pouvons pas constamment importer », martèle-t-il.
Mais attention : ces investissements ne devront pas être « prédateurs ». Traduction : pas question de laisser des acteurs chinois racheter des joyaux technologiques européens pour mieux créer des dépendances stratégiques ou aspirer des savoir-faire.
L’équation est claire : réciprocité ou protection. L’Europe accepte d’ouvrir ses portes, mais seulement si la Chine accepte de jouer selon des règles équitables.
L’Europe face à ses divisions internes
Le plus grand obstacle n’est peut-être même pas chinois. Il est européen. Constituer un front commun face à Pékin reste un défi majeur, notamment parce que certains pays membres ont des intérêts divergents.
L’Allemagne, par exemple, très implantée en Chine et dépendante de ce marché pour ses exportations automobiles, traîne des pieds. « L’Allemagne n’est pas encore totalement sur notre ligne », admet le président français avec une franchise rare.
Ce constat met en lumière une réalité brutale : tant que l’Europe ne parlera pas d’une seule voix sur les questions commerciales, sa capacité à négocier avec Pékin restera limitée.
Vers une nouvelle politique de compétitivité
Au-delà des menaces de droits de douane, Emmanuel Macron dessine les contours d’une réponse globale. Pour lui, l’Europe doit se protéger, certes, mais surtout redevenir compétitive.
Cela passe par plusieurs leviers concrets :
- La simplification administrative
- L’approfondissement du marché unique
- Des investissements massifs dans l’innovation
- Une protection juste de nos frontières
- L’achèvement de l’union douanière
- Une politique monétaire adaptée
Autant de chantiers déjà sur la table, mais qui peinent à avancer à la vitesse nécessaire face à l’urgence de la concurrence chinoise.
Un tournant historique ?
Ce qui frappe dans cette sortie, c’est son caractère historique. Longtemps perçue comme naïve ou trop ouverte, l’Europe semble prête à changer de paradigme. Le temps du libre-échange sans conditions pourrait toucher à sa fin.
En menaçant directement la Chine de mesures protectionnistes, Emmanuel Macron pose les bases d’une nouvelle doctrine : celle d’une Europe qui défend ses intérêts stratégiques, coûte que coûte.
Reste à savoir si ce discours sera suivi d’effets. Car entre les mots et les actes, dans les relations avec Pékin, le chemin est souvent semé d’embûches.
Mais une chose est sûre : le message est passé. Et il risque de faire date.
En résumé : l’Europe, sous impulsion française, se prépare à un bras de fer commercial avec la Chine. Droits de douane imminents, investissements chinois sous conditions strictes, relance de la compétitivité… Tout est sur la table pour éviter que l’industrie européenne ne passe sous domination chinoise. Un tournant protectionniste qui pourrait redessiner les équilibres mondiaux pour les décennies à venir.
La question n’est plus de savoir si l’Europe va réagir. Elle est de savoir si elle le fera à temps.









