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Macron en Chine : Pression sur Moscou et Rééquilibrage Commercial

Emmanuel Macron atterrit à Pékin pour demander à Xi Jinping d’agir enfin sur Poutine et stopper le soutien chinois à l’effort de guerre russe. Mais derrière les pandas et les sourires, c’est un bras de fer commercial sans précédent qui se joue… Que va vraiment obtenir la France ?

Quand un président français pose à nouveau ses valises à Pékin, ce n’est jamais anodin. Emmanuel Macron entame ce mercredi une visite d’État de trois jours en Chine avec deux dossiers brûlants sous le bras : obtenir que Xi Jinping pèse enfin de tout son poids sur Vladimir Poutine pour arracher un cessez-le-feu en Ukraine, et surtout remettre à plat une relation commerciale qui déséquilibre gravement l’Europe. Entre diplomatie des pandas et guerre économique, le voyage s’annonce électrique.

Un agenda diplomatique à haut risque

Dès son arrivée, le chef de l’État français va replacer la question ukrainienne au centre des discussions. L’objectif reste clair : convaincre la Chine d’user de son influence unique sur Moscou pour accélérer les négociations de paix. Car si Pékin multiplie les appels au dialogue et au respect de l’intégrité territoriale, elle n’a jamais franchi le pas de condamner ouvertement l’invasion russe.

Les capitales européennes, elles, ne se contentent plus de mots doux. Elles accusent ouvertement la Chine de fournir à la Russie des composants à double usage et de soutenir indirectement l’effort de guerre. Des responsables occidentaux vont jusqu’à parler de coopération avec l’industrie de défense russe. Emmanuel Macron portera donc un message sans ambiguïté : tout transfert de technologie ou de matériel susceptible d’alimenter le conflit doit cesser immédiatement.

La solidité du partenariat russo-chinois

Le défi est immense. La relation entre Moscou et Pékin n’a jamais paru aussi étroite. Les échanges commerciaux ont explosé depuis 2022, la Russie redirigeant massivement ses exportations d’hydrocarbures vers l’Empire du Milieu. Les deux pays multiplient les exercices militaires conjoints et les déclarations d’amitié « sans limites ». Le sommet fastueux organisé début septembre pour célébrer la victoire sur le Japon en 1945 a encore illustré cette proximité.

Dans ce contexte, demander à Xi Jinping de « ramener la Russie à la raison » – formule déjà utilisée par Emmanuel Macron en 2023 – relève presque de la gageure. Pourtant, Paris estime que la Chine reste la seule puissance capable de faire bouger les lignes à Moscou. Un cessez-le-feu rapide permettrait aussi à Pékin de sortir de l’ornière diplomatique dans laquelle l’accusent de l’enfermer les Occidentaux.

« Nous avons besoin de mieux nous comprendre sur la question ukrainienne et de travailler ensemble pour aboutir à une paix durable et solide »

Présidence française

Le dossier commercial qui empoisonne tout

Mais l’Ukraine n’est que la face émergée de l’iceberg. Le véritable éléphant dans la pièce reste le déséquilibre commercial abyssal entre la Chine et l’Union européenne. Le déficit européen frôle les 360 milliards de dollars. Un chiffre qui donne le vertige et qui exaspère Bruxelles comme Paris.

Les griefs sont connus : subventions massives aux entreprises chinoises, transferts de technologie forcés, fermeture de certains marchés, surcapacités de production qui inondent le monde de produits à bas prix. Voitures électriques, panneaux solaires, acier… la liste des secteurs touchés s’allonge chaque année.

Le message français sera direct : il faut que la Chine consomme davantage et exporte moins, pendant que l’Europe, elle, doit épargner moins et produire plus. Une formule choc qui résume à elle seule le rééquilibrage attendu.

Terres rares et dépendance stratégique

Un sujet particulièrement sensible concerne les terres rares. La Chine contrôle plus de 80 % de la production mondiale de ces métaux indispensables aux batteries, éoliennes et semi-conducteurs. Plusieurs responsables européens dénoncent une forme de chantage : accès limité ou prix artificiellement élevés dès qu’un désaccord politique surgit.

Paris veut des engagements clairs pour sécuriser les approvisionnements européens et éviter que ces matières premières ne deviennent une arme géopolitique. Le ministre français des Affaires étrangères a récemment averti que sans concurrence équitable, les conséquences industrielles pourraient être « dévastatrices et irréversibles » pour le continent.

Les chiffres qui font mal
• Déficit commercial UE-Chine : 357 milliards de dollars
• Part chinoise dans les terres rares raffinées : > 85 %
• Croissance des exportations chinoises de véhicules électriques vers l’UE en 2024 : > 30 %

Une invitation à investir… mais avec des règles

Paradoxalement, Emmanuel Macron va aussi tendre la main. Après trente ans de mondialisation qui ont permis à la Chine de devenir la deuxième économie mondiale, Paris estime que le temps est venu pour Pékin d’investir massivement en Europe et de partager ses technologies avancées avec des « partenaires de confiance ».

Le message est habile : oui, la Chine doit ouvrir son marché, mais l’Europe reste prête à accueillir des investissements chinois… à condition qu’ils respectent des règles de réciprocité et de transparence. Un équilibre délicat à trouver.

La touche personnelle et les pandas

Comme souvent avec la Chine, la diplomatie passe aussi par les symboles. Après les Pyrénées l’an dernier, les deux couples présidentiels se retrouveront cette fois à Chengdu, dans la province du Sichuan, terre natale des pandas géants. Un cadre informel rare dans le protocole chinois, signe d’une relation personnelle privilégiée entre les deux chefs d’État.

Le couple de pandas prêté depuis 2012 au ZooParc de Beauval vient d’ailleurs de rentrer en Chine. Pékin a déjà promis de nouveaux ambassadeurs à fourrure. La « diplomatie du panda » reste plus que jamais vivante.

Derrière ces images chaleureuses, les enjeux restent colossaux. Emmanuel Macron sait qu’il joue gros. Un succès, même partiel, renforcerait la position française au moment où Paris s’apprête à présider le G7 en 2026. Un échec, en revanche, accentuerait le sentiment d’impuissance européenne face à une Chine qui dicte de plus en plus les règles du jeu mondial.

Entre pression sur la guerre en Ukraine, rééquilibrage commercial et partenariats technologiques, cette visite d’État pourrait bien marquer un tournant. Ou révéler, une fois de plus, les limites de la diplomatie européenne face au nouvel ordre sino-russe. Une chose est sûre : les prochaines 72 heures seront scrutées partout dans le monde.

Et pendant que les photographes immortaliseront les poignées de main et les pandas, les négociateurs, eux, travailleront tard dans la nuit. Car derrière les sourires de circonstance, c’est bien l’avenir des relations entre l’Europe et la deuxième puissance mondiale qui se joue en ce moment même à Pékin.

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