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Macaroni de Monticello : Une Histoire Culinaire

Le macaroni et fromage, plat iconique américain, cache une histoire fascinante liée à Monticello et aux cuisiniers afro-américains. Comment est-il devenu un symbole ?

Imaginez-vous à la table d’un dîner animé, entouré de plats réconfortants, où trône un gratin doré de macaroni et fromage. Ce mets, aujourd’hui incontournable aux États-Unis, n’est pas seulement un symbole de confort : il porte en lui une histoire riche, mêlant influences européennes, savoir-faire culinaire afro-américain et l’héritage de figures historiques. Son voyage commence à Monticello, la demeure de Thomas Jefferson, où des cuisiniers esclavagisés ont transformé une recette française en un plat emblématique.

Des origines européennes à l’Amérique

Le macaroni et fromage tel que nous le connaissons aujourd’hui n’est pas né sur le sol américain. Son histoire débute en Europe, où les pâtes accompagnées de fromage étaient déjà prisées. En France, au XVIIIe siècle, ce plat crémeux était un mets raffiné, servi dans les cercles aristocratiques. C’est lors de son séjour à Paris, entre 1784 et 1789, que Thomas Jefferson, alors ministre plénipotentiaire des États-Unis, découvre cette préparation. Fasciné par la cuisine française, il décide de l’importer chez lui.

Mais Jefferson ne revient pas seul avec cette idée. Il est accompagné de James Hemings, un cuisinier esclavagisé qu’il emmène en France pour apprendre les techniques culinaires locales. Formé dans des cuisines parisiennes prestigieuses, Hemings maîtrise l’art du macaroni au fromage, une préparation alors sophistiquée. De retour à Monticello en 1789, il introduit ce plat dans les cuisines de la plantation, posant les bases d’une révolution culinaire.

Le rôle clé des cuisiniers esclavagisés

À Monticello, le macaroni et fromage n’aurait jamais atteint sa renommée sans les cuisiniers esclavagisés. James Hemings, puis son frère Peter Hemings, ainsi que des femmes comme Edith Hern Fossett et Frances Gillette Hern, ont perfectionné ce plat. Leur travail, souvent invisibilisé, a façonné les tables de Jefferson et, par extension, la culture alimentaire américaine.

Les cuisiniers esclavagisés n’étaient pas de simples exécutants. Ils étaient des artisans, transmettant savoir-faire et créativité dans chaque plat.

Edith Hern Fossett, par exemple, a appris les techniques françaises à la Maison Blanche sous la direction d’un chef français, Honoré Julien. Revenue à Monticello, elle a continué à préparer ce plat, utilisant des ingrédients comme le fromage parmesan importé d’Italie, que Jefferson commandait en grandes quantités. En 1807, un achat de 80 livres de parmesan et 60 livres de macaroni napolitain témoigne de l’importance de ce mets dans la maison.

Fait historique : En 1826, cinq mois avant sa mort, Jefferson passe une commande de 112 livres de macaroni, preuve de son attachement à ce plat.

Une diffusion par la migration

Le macaroni et fromage ne reste pas confiné à Monticello. Avec le temps, il se répand à travers le Sud des États-Unis, porté par les cuisiniers esclavagisés et leurs descendants. Avant la guerre civile, des milliers de Virginiens migrent vers l’Ouest, emmenant avec eux leurs cuisiniers et leurs recettes favorites. Ce plat, simple mais savoureux, devient un incontournable des repas familiaux et des rassemblements communautaires.

Peter Fossett, fils affranchi d’Edith Hern Fossett, joue un rôle clé dans cette diffusion. Devenu traiteur réputé dans l’Ohio après sa libération, il inclut probablement le macaroni et fromage dans ses menus, contribuant à sa popularité. Plus tard, des chefs afro-américains comme Rufus Estes, dans son livre de recettes de 1911, et Freda De Knight, dans son ouvrage de 1948, codifient des versions simples mais délicieuses de ce plat.

Ce mouvement culinaire s’accélère avec la Grande Migration, lorsque des millions d’Afro-Américains quittent le Sud pour s’installer dans d’autres régions des États-Unis entre 1910 et 1970. Ils emportent avec eux des traditions culinaires, dont le macaroni et fromage, qui devient un symbole de réconfort et d’identité.

Une recette intemporelle

La recette du macaroni et fromage telle qu’elle était préparée à Monticello est étonnamment proche de celle que nous connaissons aujourd’hui. Voici les ingrédients principaux, inspirés des pratiques de l’époque :

  • Macaroni : 450 g de pâtes coudées.
  • Fromage : 3 tasses de cheddar doux râpé, parfois mélangé avec du colby.
  • Beurre : 100 g, coupé en tranches.
  • Lait : 600 ml, dont une partie pour la cuisson des pâtes.
  • Sel : 1 cuillère à café pour rehausser les saveurs.

La méthode est simple mais efficace : faire cuire les pâtes dans un mélange d’eau et de lait, les superposer avec du fromage et du beurre dans un plat, puis cuire au four jusqu’à ce que le tout soit doré et fondant. Cette technique, appelée « macaroni pie » à l’époque, donne une texture crémeuse sans nécessiter de sauce blanche, contrairement aux versions modernes.

Un plat au cœur de la culture américaine

Aujourd’hui, le macaroni et fromage est omniprésent aux États-Unis, des dîners familiaux aux repas de fête. Qu’il soit préparé à partir d’une boîte ou selon une recette maison, il séduit toutes les générations. Ce succès est en grande partie dû aux cuisiniers afro-américains, qui ont adapté et popularisé ce plat à travers le pays.

Des livres de recettes historiques aux émissions culinaires modernes, le macaroni et fromage reste un symbole de partage. Il incarne l’histoire d’une nation, marquée par des influences diverses et des contributions souvent méconnues. À chaque bouchée, c’est un hommage aux mains qui ont façonné ce plat.

Époque Événement clé
1789 Jefferson et Hemings rapportent le macaroni et fromage de Paris.
1807 Commande de 80 livres de parmesan pour Monticello.
1911 Rufus Estes publie une recette de macaroni et fromage.
1948 Freda De Knight inclut le plat dans son livre de recettes.

Pourquoi ce plat nous parle encore

Le macaroni et fromage n’est pas qu’un plat : c’est une histoire de résilience, de créativité et de transmission. Chaque région, chaque famille y ajoute sa touche, qu’il s’agisse d’un fromage différent, d’une croûte croustillante ou d’un assaisonnement audacieux. Cette adaptabilité en fait un mets universel, capable de rassembler autour d’une table.

En explorant ses origines, on rend hommage à ceux qui, dans des conditions difficiles, ont créé un plat qui continue de réconforter des millions de personnes. La prochaine fois que vous dégusterez un bol de macaroni et fromage, pensez à Monticello, à ces cuisiniers dont le talent a traversé le temps.

Ce plat, né d’un mélange de cultures, reste un témoignage vivant de l’histoire américaine. Il nous rappelle que la cuisine est bien plus qu’une affaire de goût : c’est un acte de mémoire et de partage.

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