Alors que les dirigeants des plus grandes puissances économiques convergent vers Rio de Janeiro pour le sommet du G20, un autre rassemblement, bien différent, s’est tenu ce week-end dans la métropole brésilienne. À l’initiative du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, des militants et représentants de la société civile se sont réunis pour faire entendre la « voix des rues » face à celle des « marchés » et du « néolibéralisme ».
Lula, héraut de la « voix des rues »
Revenu au pouvoir l’an dernier après deux premiers mandats de 2003 à 2010, l’ancien syndicaliste de 79 ans n’a pas manqué de soigner son image d’homme de gauche devant un public acquis à sa cause. Lors de son discours de clôture du « G20 social », Lula a martelé qu’il fallait « en finir avec la dissonance toujours plus grande entre la voix des marchés et la voix des rues », fustigeant un néolibéralisme qui « a aggravé l’inégalité économique et politique qui aujourd’hui accable les démocraties ».
Un message fort, une exhortation à se faire entendre lancée aux militants et ONG présents :
Si nous, en tant que dirigeants, n’assumons pas nos responsabilités, c’est vous qui devez faire la différence. Criez, manifestez, revendiquez, parce que sinon rien ne se passe.
Luiz Inacio Lula da Silva, président du Brésil
Un sommet sous haute tension
Mais l’ambiance promet d’être bien différente lorsque Lula accueillera lundi et mardi les chefs d’État et de gouvernement des principales économies de la planète. Le multilatéralisme traverse une crise profonde, miné par les conflits en Ukraine et au Proche-Orient. Et le retour annoncé de Donald Trump à la Maison Blanche fait planer le spectre de nouvelles guerres commerciales.
Ainsi, les retrouvailles entre Lula et le président argentin ultra-libéral Javier Milei, tout juste de retour de Mar-a-Lago, la résidence de Trump en Floride, s’annoncent glaciales. Nul doute que ce dernier goûtera peu la charge de Lula contre le néolibéralisme.
Des initiatives concrètes attendues
Au-delà des joutes verbales, ce sommet du G20 sera l’occasion pour le Brésil de lancer des initiatives de fond. Lula compte notamment présenter une « Alliance globale contre la faim et la pauvreté ». Parmi les autres sujets phares à l’agenda : la taxation des plus riches, la réforme de la gouvernance mondiale et les enjeux climatiques.
Le G20 social, lui, a d’ores et déjà remis au président brésilien un plaidoyer pressant les dirigeants à « agir avec détermination », appelant à des « compromis ambitieux » pour « renforcer les institutions internationales, combattre la faim et les inégalités, atténuer les impacts du changement climatique et protéger nos écosystèmes ».
La société civile mobilisée
Signe de l’enjeu, ce G20 social inédit a vu converger à Rio des milliers de représentants de peuples autochtones, paysans, jeunes des favelas, étudiants et militants LGBT+. Tous déterminés à peser sur les débats de ce club des grandes puissances qui pèse 85% du PIB mondial.
Le document final n’hésite pas non plus à s’en prendre aux « forces d’extrême droite qui promeuvent la désinformation », appelant à « respecter la science et les savoirs traditionnels des peuples » pour préserver la planète. Et de défendre aussi la création d’une « taxation progressive des super-riches ».
Une vision portée au plus haut niveau par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Reçu par Lula à Rio en amont du sommet, il a plaidé pour un « renforcement du multilatéralisme » et une action « décisive » face au dérèglement climatique.
La rue au rendez-vous
Pendant ce temps, les rues de Rio résonnent des initiatives citoyennes en marge de ce G20. Malgré la pluie, une marche de solidarité avec les Palestiniens a ainsi rassemblé plusieurs centaines de personnes sur la plage de Copacabana.
Plus loin, une installation poignante : 733 assiettes vides, disposées sur le sable, une croix rouge les barrant. Autant que les 733 millions de personnes qui ont souffert de la faim dans le monde en 2022 selon l’ONU. Un criant rappel des défis immenses qui attendent les grands de ce monde, pressés d’entendre enfin la « voix des rues ».