Mercredi, le Parlement ukrainien a franchi un cap décisif en votant pour rejoindre la Cour pénale internationale (CPI), dans l’espoir de punir la Russie pour les crimes de guerre présumés commis sur le territoire ukrainien. Cette décision marque un revirement notable, l’Ukraine ayant pendant des années hésité à adhérer pleinement au Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI. Décryptage de ce tournant majeur.
L’Ukraine sous le feu des crimes de guerre
Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, l’Ukraine est le théâtre d’exactions massives contre les civils, dont de nombreux actes relèvent potentiellement de la qualification de crimes de guerre selon le droit international humanitaire. Bombardements indiscriminés, tortures, exécutions sommaires, violences sexuelles… Les enquêteurs internationaux documentent un large éventail de violations du droit des conflits armés imputables aux forces russes.
Face à l’ampleur de ces crimes, la communauté internationale s’est mobilisée pour apporter son soutien aux autorités ukrainiennes dans leur quête de justice. Plusieurs juridictions nationales européennes ont ouvert des enquêtes sur la base de la compétence universelle. Mais c’est surtout vers la Cour pénale internationale, seule cour permanente habilitée à juger les crimes les plus graves, que se tournent les espoirs.
La CPI, un recours crucial pour l’Ukraine
Si l’Ukraine avait déjà accepté la compétence de la CPI de façon ad hoc pour les crimes commis depuis 2014, elle n’en était jusqu’à présent pas un État membre à part entière. Ce statut d’observateur limitait les possibilités de coopération et les moyens d’action de la Cour. En votant pour ratifier le Statut de Rome, le Parlement ukrainien ouvre la voie à une participation pleine et entière au système de la CPI.
Cette décision ouvrira de plus grandes possibilités pour punir les Russes et renforcera l’isolement de la Russie.
Ievguénia Kravtchouk, députée ukrainienne
Concrètement, cela signifie que l’Ukraine s’engage à coopérer pleinement avec le Bureau du Procureur, à faciliter les enquêtes sur son sol et à livrer les suspects. En contrepartie, elle bénéficiera de l’expertise et des moyens de la Cour pour rassembler et préserver les preuves, protéger les témoins et, à terme, traduire en justice les responsables.
Surmonter les réticences internes
Si l’adhésion à la CPI apparaît comme une évidence au vu du contexte, elle a fait l’objet d’intenses débats au sein de la classe politique ukrainienne. Pendant des années, les autorités militaires s’y sont opposées, craignant de voir des soldats ukrainiens poursuivis pour leurs propres exactions. Un compromis a finalement été trouvé en invoquant l’article 124 du Statut de Rome, qui permet d’exempter temporairement les ressortissants ukrainiens de la compétence de la Cour.
Cette exemption, valable pour une durée de 7 ans, a rassuré les militaires et permis de débloquer le processus. Mais elle suscite aussi des interrogations quant à “ce qui se passera après”, comme l’a souligné une députée d’opposition. À long terme, l’Ukraine devra assumer une application égale de la justice à toutes les parties au conflit.
Le chemin vers la justice internationale
Avec ce vote, l’Ukraine franchit une étape cruciale vers une réponse pénale internationale aux crimes commis par la Russie sur son territoire. Mais la route est encore longue avant de voir les principaux responsables russes sur le banc des accusés de la CPI.
- La Cour devra tout d’abord établir sa compétence et la recevabilité des affaires, un processus complexe au vu de la non-ratification du Statut par la Russie.
- Les enquêtes prendront des années pour rassembler des preuves solides et identifier les plus hauts responsables dans la chaîne de commandement.
- Des mandats d’arrêt internationaux devront être émis et exécutés, ce qui s’annonce ardu face au refus de coopération de Moscou.
Malgré ces obstacles, l’adhésion de l’Ukraine à la CPI envoie un signal fort : celui d’un pays déterminé à obtenir justice pour les crimes subis, en s’appuyant sur les outils du droit international pénal. Un message d’espoir pour les victimes, et un avertissement aux bourreaux que l’impunité n’est plus une option.