Vendredi dernier, l’Ukraine a franchi une étape majeure dans sa quête d’indépendance énergétique. En effet, le pays a reçu sa toute première cargaison de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis. Cette livraison historique intervient alors qu’un accord crucial permettant le transit du gaz russe vers l’Europe via l’Ukraine est sur le point d’expirer.
Malgré le conflit en cours, la Russie continuait jusqu’à présent à acheminer du gaz via le territoire ukrainien dans le cadre d’un contrat de plusieurs milliards d’euros. Cependant, Kiev a annoncé son intention de ne pas renouveler cet accord après son échéance à la fin de l’année. C’est dans ce contexte tendu que DTEK, la plus grande compagnie énergétique privée d’Ukraine, a pris livraison de cette précieuse cargaison de GNL américain.
Une livraison stratégique
Selon des sources proches du dossier, cette cargaison représente environ 100 millions de mètres cubes de gaz. Il s’agit d’une bouffée d’oxygène pour le réseau énergétique ukrainien, durement frappé par plusieurs vagues de bombardements russes ces derniers mois. Pour acheminer ce GNL jusqu’en Ukraine, DTEK a dû faire preuve d’ingéniosité. Le gaz a d’abord été livré vendredi à un terminal grec de regazéification en Méditerranée, avant d’être acheminé par gazoduc jusqu’en Ukraine.
Des cargaisons comme celle-ci ne fournissent pas seulement à la région une source d’énergie flexible et sûre, mais elles contribuent également à éroder l’influence de la Russie sur notre système énergétique
Maxime Timtchenko, PDG de DTEK
Vers une plus grande indépendance énergétique
Depuis le début de l’invasion russe en 2022, l’Ukraine a dû augmenter ses importations d’électricité en provenance de l’Union européenne pour compenser les dégâts causés à ses infrastructures. Les autorités ukrainiennes estiment que l’obtention de livraisons directes de GNL américain contribuera à alléger la pression sur le marché européen du gaz.
Cependant, même au sein de l’UE, couper complètement les liens énergétiques avec Moscou s’avère difficile. Si les 27 ont également augmenté leurs achats de GNL depuis le début de la guerre, plusieurs responsables européens, dont Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, ont suggéré d’accroître encore davantage l’approvisionnement en gaz en provenance des États-Unis pour remplacer l’énergie russe. Une perspective qui soulève toutefois des inquiétudes quant au coût d’un tel approvisionnement.
Les défis à venir
Si cette première livraison de GNL américain à l’Ukraine constitue indéniablement une avancée symbolique et stratégique, le chemin vers une véritable indépendance énergétique reste semé d’embûches. Outre la question du coût de ces approvisionnements alternatifs, le pays doit aussi composer avec un réseau énergétique fragilisé par les attaques russes et une situation géopolitique toujours instable.
Néanmoins, cette cargaison historique témoigne de la détermination de l’Ukraine à s’affranchir de l’influence énergétique russe. Elle ouvre aussi la voie à un renforcement des liens énergétiques transatlantiques, même si l’avenir de ces relations reste incertain, comme en témoignent les récentes menaces de Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers à l’Europe si elle n’achète pas davantage de gaz américain.
Une chose est sûre : dans le grand jeu énergétique qui se joue actuellement sur l’échiquier mondial, cette première livraison de GNL américain en Ukraine marque un tournant. Reste à savoir si elle sera suivie par d’autres, et si elle suffira à faire pencher la balance en faveur de Kiev dans sa quête d’indépendance énergétique vis-à-vis de Moscou.