L’annonce de l’Ukraine de ne plus autoriser le transit du gaz russe sur son territoire à partir de janvier 2025 suscite l’inquiétude dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. Cette décision, aux lourdes conséquences géopolitiques et économiques, met en lumière la dépendance énergétique persistante de certains États envers la Russie, malgré les efforts de diversification entrepris depuis le début de la guerre.
La Slovaquie en première ligne face à l’arrêt du transit gazier
Principale concernée, la Slovaquie se retrouve dans une position délicate. Alors que l’Autriche voisine a anticipé en rompant son contrat avec Gazprom, Bratislava souhaite maintenir ses liens avec le géant russe. Selon des experts, cette volonté s’explique par des prix plus avantageux du gaz acheminé via l’Ukraine, Gazprom prenant en charge les frais de transit.
Cependant, cette dépendance expose le pays à des risques de pénurie et de hausse des coûts. La compagnie slovaque SPP, qui approvisionne 1,5 million de foyers, assure pouvoir recourir à d’autres sources mais prévient que toute alternative sera significativement plus onéreuse, avec un surcoût estimé à au moins 150 millions d’euros. Elle met également en garde contre d’éventuels problèmes d’approvisionnement à travers l’Europe en cas d’hiver rude.
La Moldavie se prépare à des coupures de courant
Malgré d’importants efforts pour réduire sa dépendance au gaz russe depuis le début du conflit en Ukraine, la Moldavie reste vulnérable. Cette ex-république soviétique tire encore 70% de son électricité d’une centrale thermique située en Transnistrie, une région séparatiste, et alimentée en gaz russe via l’Ukraine.
Face aux menaces pesant sur son approvisionnement, Chisinau a déclaré l’état d’urgence énergétique. Le pays, parmi les plus pauvres d’Europe, devra se tourner vers la Roumanie voisine pour acheter son électricité à un prix plus élevé. La présidente pro-européenne Maia Sandu dénonce un « chantage à l’obscurité » de la part du Kremlin à l’approche d’élections législatives cruciales.
La Hongrie peu affectée mais sous pression
Bien que la Hongrie reçoive l’essentiel de ses importations de gaz russe via un autre gazoduc, le TurkStream, elle cherche à préserver la route ukrainienne utilisée pour de faibles volumes. Le Premier ministre Viktor Orban évoque « une astuce » pour acheter ce gaz avant son entrée en Ukraine et le faire transiter comme du gaz hongrois.
Toutefois, des analystes estiment que Budapest pourrait devenir le dernier client de Gazprom dans l’UE, s’exposant à une pression politique accrue de Bruxelles pour réduire sa dépendance. Cette position singulière complique les efforts européens pour présenter un front uni face à Moscou.
Un nouveau paysage énergétique se dessine en Europe
L’arrêt programmé du transit de gaz russe via l’Ukraine marque un tournant. Il accélère la reconfiguration des routes d’approvisionnement et contraint les pays les plus dépendants à redoubler d’efforts pour sécuriser leurs besoins énergétiques.
Au-delà des défis immédiats, cette décision questionne la pérennité du modèle gazier qui a longtemps structuré les relations entre la Russie et l’Europe. Elle ouvre la voie à une profonde transformation du marché de l’énergie sur le continent, avec une diversification accrue des fournisseurs et un recours croissant aux énergies renouvelables.
Cependant, cette transition ne sera pas sans heurts. Les pays d’Europe de l’Est, héritiers de liens historiques et d’infrastructures énergétiques intégrées avec la Russie, devront consentir d’importants investissements pour adapter leurs réseaux et leurs mix énergétiques. Un défi de taille, qui testera leur résilience économique et leur cohésion politique dans les années à venir.