Dans un contexte de transition à Washington, l’Union européenne cherche à nouer rapidement des liens avec la nouvelle administration américaine. Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, vient d’adresser une invitation ouverte au nouveau secrétaire d’État Marco Rubio pour participer à une prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles.
Établir le dialogue malgré les différends
Cette main tendue intervient alors que les relations transatlantiques s’annoncent tendues pour les prochaines années. Le président Trump, qui vient d’entamer son second mandat, ne cache pas son animosité envers l’Union européenne. Il l’accuse régulièrement de pratiques commerciales déloyales et pointe du doigt l’important déficit commercial des États-Unis vis-à-vis du Vieux Continent.
En invitant rapidement son homologue américain, l’UE espère établir un canal de discussion pour désamorcer les contentieux et éviter une guerre commerciale. Les Européens redoutent en particulier de nouvelles taxes américaines sur des produits emblématiques comme l’automobile ou certains produits agricoles.
L’épineuse question ukrainienne
Au-delà du volet commercial, l’UE s’inquiète des intentions de Donald Trump concernant la guerre en Ukraine. Lors de sa campagne, le président américain a promis de parvenir rapidement à un accord de paix, sans préciser selon quelles modalités. À Bruxelles, on craint un désengagement américain qui contraindrait l’Ukraine à de douloureuses concessions.
Les Européens ont besoin des États-Unis pour maintenir la pression sur la Russie. Une paix au rabais en Ukraine serait catastrophique pour la sécurité du continent.
Un diplomate européen
Face à ces incertitudes, certains à Bruxelles plaident pour une ligne dure face à Washington. Mais la plupart des capitales européennes préfèrent jouer l’apaisement, espérant des contreparties sur d’autres dossiers. C’est tout l’enjeu des prochains mois : trouver la bonne approche face à un président américain imprévisible.
Une Europe en quête de stratégie
Pour l’heure, les Européens semblent naviguer à vue. Ils multiplient les initiatives pour nouer le contact avec la nouvelle administration, sans résultats tangibles pour le moment. La lettre de Kaja Kallas est révélatrice de cette approche : une invitation, certes, mais aucune date précise de réunion.
Certains observateurs appellent l’UE à muscler son jeu, en utilisant notamment son poids commercial comme levier face à Washington. Mais peu de capitales semblent prêtes à un tel bras de fer, par crainte de représailles américaines. La plupart misent encore sur la négociation et le dialogue, malgré le peu d’appétence de Donald Trump pour le multilatéralisme.
Vers un réveil européen ?
À plus long terme, le défi Trump pourrait cependant servir d’électrochoc pour l’Europe. Face à un allié de moins en moins fiable, certains plaident pour une plus grande autonomie stratégique du Vieux Continent, que ce soit en matière de défense ou de politique étrangère. Une ligne portée notamment par le président français.
L’Europe ne peut plus s’en remettre totalement à la bienveillance de Washington. Nous devons prendre notre destin en main, c’est une question de survie.
Un conseiller de l’Élysée
Mais ce sursaut souverainiste se heurte aux réticences de nombreux États membres, inquiets d’une mise à l’écart des États-Unis. Beaucoup craignent qu’une Europe plus indépendante ne soit aussi une Europe plus faible et divisée, à la merci des puissances rivales.
Le défi pour les Vingt-Sept sera donc de trouver le bon équilibre : maintenir des liens étroits avec Washington, tout en affirmant leurs intérêts vitaux quand nécessaire. Un exercice d’équilibriste qui s’annonce périlleux, mais incontournable à l’heure de la grande instabilité internationale. L’invitation de Kaja Kallas n’est qu’un premier pas dans cette délicate recomposition des relations transatlantiques.