Imaginez une plateforme de commerce en ligne qui explose en popularité en Europe, proposant des produits à des prix défiant toute logique, et soudain, des enquêteurs de la Commission européenne débarquent sans prévenir dans ses bureaux. C’est exactement ce qui vient de se produire avec Temu, la jeune pousse chinoise qui fait trembler le marché européen. Cette inspection surprise soulève des questions majeures sur la concurrence loyale et les pratiques commerciales transfrontalières.
Une inspection qui fait grand bruit dans le monde du e-commerce
La semaine dernière, des agents de la Commission européenne ont mené une opération inopinée dans les locaux d’une grande entreprise active dans le commerce électronique au sein de l’Union européenne. Si l’exécutif européen a préféré rester discret sur l’identité de la société visée, plusieurs sources concordantes confirment qu’il s’agit bien de Temu.
Cette intervention s’appuie sur le tout nouveau règlement européen sur les subventions étrangères, entré en vigueur en 2023. Ce texte vise précisément à empêcher que des entreprises non européennes ne bénéficient d’aides d’État qui faussent la concurrence sur le marché unique.
Le règlement sur les subventions étrangères : un outil puissant contre la concurrence déloyale
Adopté en réponse à l’afflux massif de produits chinois à bas prix, ce règlement permet à la Commission de mener des enquêtes et des inspections pour vérifier l’origine des avantages dont bénéficient les entreprises étrangères. Il s’agit d’une arme légale inédite, conçue pour protéger les entreprises européennes face à des concurrents qui pourraient être dopés par des soutiens publics.
Dans le cas de Temu, les enquêteurs cherchent à déterminer si la plateforme a reçu des aides financières directes ou indirectes du gouvernement chinois. Ces subventions pourraient prendre la forme de prêts à taux zéro, d’exonérations fiscales ou d’autres formes de soutien qui permettent de proposer des prix imbattables.
« Nous pouvons confirmer que la Commission a mené une inspection inopinée dans les locaux d’une entreprise active dans le secteur du commerce électronique au sein de l’UE, en vertu du règlement sur les subventions étrangères »
Porte-parole de la Commission européenne
Cette citation officielle montre à quel point l’UE prend cette affaire au sérieux, même si elle évite pour l’instant de nommer explicitement Temu.
Temu : l’ascension fulgurante d’une plateforme controversée
Lancée en Europe en 2023, Temu a connu une croissance spectaculaire. Avec plus de 93 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans les 27 États membres, la plateforme séduit par ses prix défiant toute concurrence et sa vaste sélection de produits.
Derrière ces tarifs attractifs se cache un modèle économique basé sur des achats directs en Chine, sans intermédiaires, et sur une logistique ultra-optimisée. Mais cette stratégie soulève des interrogations quant à sa durabilité et à son respect des règles européennes.
Le contexte : l’UE durcit le ton face aux importations chinoises
Cette inspection intervient dans un climat tendu entre l’Europe et la Chine sur le plan commercial. Depuis plusieurs mois, Bruxelles multiplie les mesures pour protéger son marché intérieur.
Parmi les décisions les plus marquantes, la suppression progressive de l’exonération de droits de douane sur les petits colis importés. Cette mesure, approuvée par les ministres des Finances de l’UE mi-novembre, devrait entrer en vigueur dès le premier trimestre 2026.
Concrètement, les colis de faible valeur (moins de 150 euros) qui bénéficiaient jusqu’ici d’une franchise douanière seront désormais taxés. Cette réforme vise à mettre fin à une concurrence jugée déloyale et à protéger les commerçants européens.
- Suppression de l’exonération pour les colis < 150 €
- Application prévue dès 2026
- Objectif : protéger les emplois et les entreprises européennes
Ces mesures touchent directement des plateformes comme Temu et Shein, qui reposent largement sur l’envoi de petits colis à bas coût.
Les autres accusations portées contre Temu
Outre les soupçons de subventions, Temu fait déjà l’objet d’une procédure pour non-respect du règlement sur les services numériques (DSA). Depuis cet été, la Commission reproche à la plateforme des contrôles insuffisants sur les produits vendus.
Les autorités européennes pointent particulièrement les jouets pour bébés et les petits appareils électroniques, jugés potentiellement dangereux. Une infraction au DSA peut entraîner des amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial.
Cette double pression – subventions et sécurité des produits – place Temu dans une position délicate sur le marché européen.
Les conséquences possibles pour Temu et le marché européen
Si les enquêteurs prouvent l’existence de subventions illégales, Temu pourrait être contraint de rembourser les aides perçues et de modifier en profondeur son modèle économique. Dans les cas les plus graves, des interdictions de vente ou des sanctions financières importantes pourraient être prononcées.
Pour les consommateurs européens, cela pourrait signifier une hausse des prix sur la plateforme, mais aussi une meilleure protection contre les produits non conformes. Pour les entreprises européennes, c’est une opportunité de retrouver une concurrence plus équitable.
Le secteur du e-commerce chinois en Europe entre donc dans une nouvelle ère, où les règles européennes s’appliquent plus strictement.
Un tournant pour la souveraineté économique européenne
Cette affaire illustre la volonté de l’Union européenne de reprendre le contrôle de son marché intérieur. Face à la concurrence asiatique, Bruxelles ne veut plus laisser les entreprises locales être désavantagées par des pratiques jugées déloyales.
Le règlement sur les subventions étrangères représente un outil stratégique dans cette bataille. Il permet de traiter les cas individuels tout en envoyant un signal fort aux autres plateformes chinoises opérant en Europe.
Les réactions et les prochaines étapes
Pour l’instant, Temu n’a pas communiqué officiellement sur cette inspection. La plateforme pourrait choisir de coopérer pleinement avec les enquêteurs ou de contester les accusations.
La Commission européenne devrait poursuivre ses investigations dans les mois à venir. Les résultats de cette enquête pourraient avoir des répercussions bien au-delà de Temu, en fixant un précédent pour l’ensemble du secteur.
En attendant, les consommateurs continuent de commander sur la plateforme, attirés par des prix toujours aussi attractifs. Mais pour combien de temps ?
Vers une régulation plus stricte du e-commerce mondial ?
Cette affaire s’inscrit dans une tendance plus large. L’Union européenne, avec ses nouvelles règles sur les marchés numériques, les services numériques et maintenant les subventions étrangères, affirme sa volonté de réguler les géants du numérique, qu’ils soient américains ou chinois.
Pour les plateformes comme Temu, l’époque de la croissance rapide sans contraintes semble révolue. L’Europe veut des règles du jeu claires et équitables pour tous.
Les prochains mois seront décisifs. L’issue de cette enquête pourrait redessiner le paysage du commerce en ligne en Europe et influencer les stratégies des acteurs chinois sur le marché mondial.
Une chose est sûre : l’Union européenne ne compte plus laisser la concurrence déloyale prospérer sur son territoire. Et Temu en fait les frais en premier.
Points clés à retenir
- Inspection inopinée chez Temu par la Commission européenne
- Soupçons de subventions chinoises faussant la concurrence
- Application du règlement 2023 sur les subventions étrangères
- Contexte de durcissement des règles douanières pour les petits colis
- Autres accusations pour non-respect du DSA (sécurité des produits)
- Plus de 93 millions d’utilisateurs mensuels en Europe
Cette affaire marque un tournant important dans la relation commerciale entre l’Europe et la Chine. Elle montre que l’UE est déterminée à défendre ses intérêts économiques face à la concurrence mondiale.
Les consommateurs, les entreprises et les régulateurs suivront avec attention les prochaines étapes de cette enquête qui pourrait bien changer la donne pour l’ensemble du e-commerce chinois en Europe.









