Après plus de 50 ans de règne de la famille Assad, la Syrie connaît un bouleversement politique majeur. Dimanche dernier, au terme d’une offensive de 11 jours, une coalition rebelle dominée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a pris le contrôle de la capitale Damas. Alors que la transition s’organise, l’Union européenne envisage prudemment d’établir des contacts avec ce nouveau pouvoir.
L’UE veut dialoguer, sans légitimer
Selon une source européenne, l’UE souhaite nouer rapidement un dialogue « au niveau opérationnel » avec les autorités syriennes, sans pour autant leur accorder de reconnaissance politique. L’objectif : faire passer des messages sur des sujets cruciaux comme le respect des droits humains, des minorités et de l’intégrité territoriale.
Car la situation suscite de vives inquiétudes. Les Européens redoutent notamment que la Syrie ne suive le même chemin chaotique que l’Irak, la Libye ou l’Afghanistan. La cheffe de la diplomatie de l’UE, Kaja Kallas, avait mis en garde contre de tels « scénarios terrifiants ».
HTS, un groupe controversé
Le groupe HTS, fer de lance de la rébellion, reste considéré comme une organisation terroriste par les pays occidentaux. L’UE applique des sanctions à son encontre depuis une décision onusienne de 2014. Mais si le dialogue politique direct est exclu, des « contacts » restent possibles selon une source diplomatique.
HTS dit avoir rompu avec son passé de branche syrienne d’Al-Qaïda. Son chef Abou Mouhammad al-Jolani devra convaincre de sa capacité à assurer une transition pacifique et inclusive. Le sort réservé aux minorités (alaouites, chrétiens, Kurdes…) dans ce pays à majorité sunnite sera scruté de près.
L’avenir des bases russes en question
Autre sujet d’inquiétude pour les Européens : le sort des deux bases militaires russes dans le pays, symboles de l’influence de Moscou dans la région. Selon la même source européenne, l’UE verrait d’un bon œil leur fermeture par le nouveau régime, même si elle lui laisse la décision.
La Russie affirme être en contact avec les nouvelles autorités sur ce dossier sensible. Le maintien ou non de cette présence sera un test de la marge de manœuvre du nouveau pouvoir vis-à-vis de Moscou, qui soutenait jusqu’ici Bachar al-Assad.
Réunion diplomatique ce week-end
Pour discuter de ces enjeux, Kaja Kallas participera samedi à un sommet de crise réunissant diplomates de pays arabes, de Turquie et l’émissaire de l’ONU pour la Syrie. L’objectif : harmoniser les approches face à cette nouvelle donne géopolitique.
Une transition réussie en Syrie nécessitera un savant équilibre entre fermeté sur les principes et pragmatisme politique. C’est tout le défi de la diplomatie européenne et internationale, qui entend accompagner le pays vers la stabilité, sans pour autant donner un blanc-seing aux nouveaux maîtres de Damas.