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L’UE Durcit Sa Politique Migratoire : Vers une Europe Forteresse ?

L’UE s’apprête à créer des « hubs de retour » hors de ses frontières et à allonger les détentions. La France et l’Espagne freinent, mais la droite pousse. Ces mesures passeront-elles vraiment ? La réponse risque de bouleverser l’Europe entière…

Imaginez une Europe qui, en quelques mois seulement, décide de déplacer ses frontières bien au-delà de ses côtes. Des centres où l’on enverrait directement les migrants dont la demande d’asile a été refusée, sans même qu’ils foulent le sol européen. Ce scénario, longtemps jugé irréaliste, pourrait devenir réalité dès l’année prochaine.

Un virage historique sous pression politique

Les ministres de l’Intérieur des vingt-sept États membres se réunissent ce lundi à Bruxelles. À l’ordre du jour : l’examen de trois textes présentés cette année par la Commission européenne. Leur objectif commun ? Rendre la politique migratoire du continent nettement plus restrictive.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’urgence est palpable. Malgré une baisse d’environ 20 % des entrées irrégulières par rapport à l’an dernier, la pression politique ne faiblit pas. Au contraire, elle s’intensifie.

Les trois grandes mesures phares

Premier point et sans doute le plus symbolique : la création de hubs de retour situés en dehors des frontières de l’Union européenne. Concrètement, une personne dont la demande d’asile serait rejetée pourrait être envoyée directement dans l’un de ces centres, sans jamais entrer sur le territoire européen.

Deuxième mesure : un alourdissement significatif des sanctions pour les migrants qui refusent de quitter le territoire. Les périodes de rétention pourraient être sensiblement allongées.

Troisième disposition : la possibilité de renvoyer des migrants vers des pays considérés comme sûrs par l’Europe, même s’ils n’en sont pas originaires. Un concept déjà utilisé par certains États mais qui serait désormais généralisé.

« Il faut que nous avancions afin de donner aux citoyens le sentiment que nous maîtrisons la situation »

Magnus Brunner, commissaire européen

Un calendrier accéléré porté par le Danemark

La présidence tournante danoise de l’Union européenne joue un rôle moteur. Copenhague défend depuis des années une ligne très ferme sur l’immigration. Résultat : les discussions avancent à une vitesse rare.

Un diplomate européen confie, sous couvert d’anonymat : « Nous progressons très vite. Il existe une volonté politique largement partagée parmi les Vingt-Sept ». Des mots qui en disent long sur l’état d’esprit actuel à Bruxelles.

Des voix discordantes dans le concert européen

Tous les pays ne suivent pas avec le même enthousiasme. La France exprime des réserves quant à la légalité et à l’efficacité réelle de certaines propositions. Paris craint notamment que ces mesures ne créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.

L’Espagne, de son côté, reste très sceptique vis-à-vis des hubs de retour. Madrid rappelle que plusieurs États ont déjà expérimenté des dispositifs similaires… avec un succès plus que mitigé.

À gauche et parmi les associations, la colère est vive. Silvia Carta, de l’ONG PICUM, alerte : « Au lieu d’investir dans la sécurité, la protection et l’inclusion, l’UE choisit des politiques qui plongeront davantage de personnes dans le danger et l’insécurité juridique ».

La droite et l’extrême droite en embuscade

Dans l’hémicycle européen, la semaine dernière a marqué un tournant. Une alliance inédite entre la droite et l’extrême droite a permis d’accorder de premiers feux verts à ces mesures. Un signal fort envoyé aux gouvernements.

L’objectif affiché par de nombreux eurodéputés ? Une adoption définitive dès le début de l’année prochaine. Autrement dit, dans quelques semaines seulement.

Le casse-tête de la répartition des demandeurs d’asile

Mais un autre dossier, tout aussi explosif, sera sur la table ce lundi : la réforme du système de répartition des demandeurs d’asile entre les États membres.

L’idée est simple sur le papier : obliger chaque pays à accueillir un certain nombre de demandeurs d’asile venant des États en première ligne (Grèce, Italie, Espagne…) ou, ou à verser une contribution financière de 20 000 euros par personne refusée.

  • Relocalisation physique sur le territoire national
  • OU paiement de 20 000 € par demandeur non accueilli
  • Objectif : soulager les pays méditerranéens

Mais dans les faits, les négociations patinent sévèrement. Plusieurs pays ont déjà annoncé qu’ils refuseraient toute relocalisation. La Belgique, la Suède et l’Autriche figurent parmi les plus fermes sur ce point.

Un haut responsable européen résume la situation avec cynisme : « Il y a peu de ministres de l’Intérieur qui vont vouloir venir devant la presse et dire “ok j’en ai pris 3 000” ».

Pourtant, une décision finale est attendue avant la fin de l’année. Des milliers de demandeurs d’asile sont concernés. Le compte à rebours est lancé.

Vers une Europe qui externalise ses responsabilités ?

Ce qui frappe dans ces propositions, c’est leur volonté claire d’externaliser la gestion migratoire. Les hubs de retour hors UE en sont l’illustration la plus évidente. Mais le concept de pays tiers sûrs va dans le même sens.

On assiste à une forme de délégation : l’Europe confierait à des États non membres le soin de gérer les conséquences de ses propres politiques. Une stratégie déjà expérimentée avec la Turquie en 2016, ou plus récemment avec la Tunisie et la Libye.

Mais les résultats sont loin d’être probants. Les rapports d’ONG font régulièrement état de violations graves des droits humains dans ces pays partenaires. Un risque que Bruxelles semble prêt à accepter.

Et les droits humains dans tout ça ?

C’est la grande question qui divise. D’un côté, ceux qui estiment que l’Europe a le droit, voire le devoir, de protéger ses frontières et de contrôler les flux migratoires.

De l’autre, ceux qui y voient une remise en cause profonde des valeurs fondatrices de l’Union : le respect de la dignité humaine, le droit d’asile, la non-refoulement.

Le principe de non-refoulement – ne pas renvoyer une personne vers un pays où elle risque la torture ou des traitements inhumains – est un pilier du droit international. Les hubs de retour et le concept de pays tiers sûrs pourraient-ils le fragiliser durablement ?

Les associations le craignent. Les gouvernements, eux, assurent que toutes les garanties seront respectées. Mais dans les faits, le contrôle sera-t-il possible dans des centres situés à des milliers de kilomètres ?

Un tournant qui pourrait marquer des décennies

Ce qui se joue actuellement à Bruxelles dépasse largement le cadre technique. C’est l’avenir même du projet européen qui est en question.

Une Europe capable d’accueillir et d’intégrer, ou une Europe qui choisit de se replier et d’externaliser ses responsabilités ? La réponse qui sera apportée dans les prochaines semaines pourrait façonner le continent pour des décennies.

Une chose est sûre : rarement un sujet aura autant divisé les Européens. Et rarement une décision aura été prise dans un calendrier aussi serré. L’Europe est à la croisée des chemins. Et le choix qu’elle s’apprête à faire ne laissera personne indifférent.

Ré sumé express des mesures en discussion :
• Création de hubs de retour hors UE
• Allongement des périodes de détention
• Renvoi possible vers pays tiers considérés comme sûrs
• Mécanisme de solidarité obligatoire (relocalisation ou 20 000 € par personne)
• Adoption visée début 2026

Le compte à rebours est lancé. Et quelle que soit l’issue, l’Europe ne sera plus tout à fait la même après ce vote.

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