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L’UE Accélère les Interconnexions Électriques France-Espagne

Une panne géante a plongé l'Espagne et le Portugal dans le noir fin avril. Depuis, Madrid et Lisbonne accusent Paris de freiner les connexions. Bruxelles vient de trancher en désignant deux nouvelles lignes pyrénéennes comme priorité absolue. Mais pourquoi la France a-t-elle toujours traîné des pieds ? La réponse va vous surprendre…

Imaginez : un lundi matin d’avril, plus de 15 millions de foyers espagnols et portugais se réveillent dans le noir total. Les métros s’arrêtent, les hôpitaux passent en mode urgence, les usines stoppent net. Cette panne géante n’était pas une fatalité technique isolée. Elle a révélé une faiblesse structurelle que Madrid et Lisbonne dénoncent depuis des années : la péninsule ibérique reste une véritable île électrique en Europe.

L’Europe veut enfin briser l’isolement ibérique

Mercredi, la Commission européenne a répondu présent. Huit projets d’« autoroutes européennes de l’énergie » viennent d’être désignés comme prioritaires absolus. Et en pole position : deux nouvelles interconnexions souterraines à travers les Pyrénées. Un signal fort envoyé à la France, régulièrement pointée du doigt pour son manque d’enthousiasme sur le sujet.

Que s’est-il vraiment passé le 28 avril dernier ?

Ce jour-là, une succession d’incidents techniques sur le réseau espagnol provoque une déconnexion brutale avec le reste de l’Europe. Résultat : l’Espagne et le Portugal se retrouvent isolés, incapables d’importer massivement l’électricité depuis la France voisine. La panne dure plusieurs heures et coûte des centaines de millions d’euros.

Pour Madrid et Lisbonne, l’affaire est claire : si les interconnexions avaient été plus robustes, la crise aurait été évitée ou fortement atténuée. Ils estiment que la capacité actuelle d’échange (environ 2,8 GW) est ridiculement faible pour deux pays qui représentent ensemble près de 60 millions d’habitants.

Le projet phare du Golfe de Gascogne

Une bonne nouvelle était déjà en route : la liaison sous-marine Biscaye, longue de 280 km, qui reliera Aquitaine et le Pays basque espagnol. Ce câble, actuellement en construction, devrait entrer en service en 2027-2028 et doubler la capacité d’échange à 5 GW.

Mais l’Espagne et le Portugal veulent aller beaucoup plus loin. Ils réclament depuis 2015 deux autres lignes terrestres enterrées :

  • Une liaison Navarre/Pays basque espagnol – Landes
  • Une liaison Aragon – Pyrénées-Atlantiques

Ces deux projets, pourtant signés au plus haut niveau politique, dormaient dans les cartons. Jusqu’à mercredi.

Bruxelles met la pression sur Paris

Le commissaire européen à l’Énergie, Dan Jørgensen, n’y est pas allé par quatre chemins : « Je pense n’offenser personne en disant que parfois, la France s’est montrée réticente à développer ses interconnexions ».

Les liaisons avec les pays voisins permettent à la France d’éviter environ 40 blackouts par an.

Dan Jørgensen, commissaire européen

Le message est limpide : même la France, grande exportatrice nette d’électricité grâce à son parc nucléaire, a tout intérêt à renforcer le réseau européen. Car en cas de crise (vague de froid, maintenance de centrales…), elle aussi dépend de ses voisins.

Teresa Ribera, vice-présidente de la Commission et ancienne ministre espagnole de la Transition écologique, a enfoncé le clou : « Plus nous serons connectés, plus nous aurons de possibilités pour réagir en cas de crise ».

Pourquoi la France a-t-elle freiné jusqu’ici ?

Plusieurs raisons, souvent tues publiquement :

  1. Opposition locale très forte dans les Pyrénées françaises contre les lignes aériennes (impact paysager, tourisme, santé…)
  2. Coût élevé des liaisons enterrées (trois à cinq fois plus cher que l’aérien)
  3. Volonté historique de préserver l’indépendance énergétique française
  4. Complexité administrative entre deux systèmes réglementaires différents

Au final, la France n’atteint que 10 % d’interconnexion avec ses voisins, loin de l’objectif européen de 15 % fixé pour 2030.

1 200 milliards d’euros à investir d’ici 2040

La Commission ne se contente pas d’accélérer huit projets phares. Elle présente un plan global pour moderniser l’ensemble des réseaux électriques européens. Le chiffre donne le tournis : 1 200 milliards d’euros nécessaires d’ici 2040.

Pour y parvenir, Bruxelles propose :

  • Une simplification massive des procédures d’autorisation
  • Une nouvelle procédure permettant à la Commission de lancer elle-même des appels à projets transfrontaliers en dernier ressort
  • Une révision des règles environnementales pour accélérer les projets stratégiques

Ce que cela change concrètement pour nous

Des interconnexions plus fortes, c’est :

Moins de blackouts En cas de pic de consommation ou d’incident
Des factures plus stables Possibilité d’acheter l’électricité là où elle est la moins chère
Plus de renouvelables L’Espagne exporte son solaire, la France son hydraulique et nucléaire
Une Europe plus solidaire Moins de dépendance aux importations russes ou au gaz algérien

En résumé, l’isolement électrique ibérique pourrait bientôt appartenir au passé. Reste à voir si les travaux avanceront aussi vite que les annonces bruxelloises. Car entre la signature d’un accord en 2015 et la mise en service effective, il s’est écoulé… presque dix ans pour le seul projet du Golfe de Gascogne.

Mais cette fois, avec la panne d’avril encore dans tous les esprits et une Commission déterminée à laisser une empreinte forte avant la fin de son mandat, l’espoir est permis. La péninsule ibérique pourrait enfin sortir de son splendide isolement électrique. Et avec elle, toute l’Europe avancer d’un grand pas vers un réseau plus résilient, plus vert et plus solidaire.

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