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Lucas Philippe Élu Président d’Interpol : Un Français à la Tête

Un Français vient d’être élu président d’Interpol à Marrakech avec 51,2 % des voix, succédant à un général émirati accusé de torture. Qui est Lucas Philippe ? Et pourquoi cette élection fait-elle déjà parler ? Vous allez être surpris par ce que cache ce poste apparemment honorifique…

Imaginez un instant : dans le palais des congrès de Marrakech, sous les lustres scintillants, 164 délégués du monde entier votent en secret pour choisir celui qui portera, pendant quatre ans, le titre le plus symbolique de la coopération policière mondiale. Jeudi dernier, c’est un Français qui a remporté la mise. Lucas Philippe, 53 ans, contrôleur général de police, vient d’être élu président d’Interpol. Un événement qui, à première vue discret, mérite qu’on s’y arrête.

Un Français prend les rênes d’Interpol

Lucas Philippe a recueilli 84 voix, soit 51,2 % des suffrages exprimés lors de la 93e assemblée générale. Son principal concurrent, le Turc Mustafa Serkan Sabanca, n’a obtenu que 60 voix (36,6 %). Les deux autres candidats, la Namibienne Anne-Marie Nainda et l’Éthiopien Demelash Gebremicheal Weldeyes, ont respectivement récolté 12 et 8 voix. Un score net, sans appel, qui place la France à la tête symbolique de l’organisation pour la première fois depuis longtemps.

Ce n’est pas une surprise totale. La candidature française était soutenue par l’Union européenne et plusieurs pays africains francophones. Mais dans une organisation où la géopolitique pèse lourd, rien n’était joué d’avance.

Qui est vraiment Lucas Philippe ?

À 53 ans, Lucas Philippe est un pur produit de la police nationale française. Contrôleur général, il occupe actuellement le poste de conseiller aux affaires européennes et internationales auprès du directeur général de la police nationale. Un profil technique, discret, loin des projecteurs, mais reconnu pour sa connaissance fine des dossiers transfrontaliers.

Spécialiste des questions de coopération judiciaire et policière, il a passé une grande partie de sa carrière à tisser des liens entre la France et ses partenaires, notamment au sein de l’Union européenne et avec les pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. Des atouts précieux pour une organisation qui compte aujourd’hui 196 pays membres.

« Un président expérimenté, consensuel et respecté »

Un délégué européen présent à Marrakech

Un rôle honorifique… mais pas anodin

Beaucoup croient à tort que le président d’Interpol dirige l’organisation au quotidien. Ce n’est pas le cas. Le vrai patron opérationnel, c’est le secrétaire général – actuellement le Brésilien Valdecy Urquiza, élu en novembre 2024 pour cinq ans. Le président, lui, préside l’Assemblée générale annuelle et le Conseil exécutif. Son rôle est avant tout diplomatique et représentatif.

Mais ce poste n’est pas neutre. Il donne une visibilité considérable au pays d’origine du président. Et surtout, il permet d’influencer l’orientation générale : priorités dans la lutte contre la cybercriminalité, le terrorisme, le trafic de drogue ou la traite d’êtres humains.

Dans un monde où la criminalité ne connaît plus de frontières, la voix du président pèse dans les débats stratégiques, même si les décisions finales reviennent au secrétaire général et à son équipe basée à Lyon.

Un successeur controversé à remplacer

Lucas Philippe succède au général émirati Ahmed Nasser Al-Raisi, élu en 2021 malgré de lourdes accusations de torture portées contre lui en France et en Turquie. Des plaintes déposées par des ONG et des victimes présumées n’avaient pas empêché son élection, provoquant une vague d’indignation dans plusieurs pays occidentaux.

Cette élection avait profondément divisé l’organisation et terni son image. L’arrivée d’un Européen, issu d’un État de droit respecté, est perçue par beaucoup comme un retour à une certaine forme de normalité institutionnelle.

Interpol et ses présidents sulfureux : une longue tradition ?

Le poste de président d’Interpol a souvent été entouré de polémiques. Retour sur quelques épisodes marquants :

  • Meng Hongwei (2016-2018) – Vice-ministre chinois de la Sécurité publique. Disparu brutalement du siège lyonnais en 2018. Pékin annonce ensuite son arrestation pour corruption. Condamné à 13 ans et demi de prison en 2020.
  • Jackie Selebi (2004-2008) – Ancien chef de la police sud-africaine. Inculpé pendant son mandat pour corruption. Condamné à 15 ans de prison en 2010.
  • Ahmed Nasser Al-Raisi (2021-2025) – Accusé de torture par plusieurs plaintes déposées en Europe.

Ces affaires ont alimenté les critiques sur le mode d’élection du président : vote à bulletin secret, poids important des blocs régionaux, absence parfois de vérification approfondie des candidats.

L’élection de Lucas Philippe, sans aucune ombre judiciaire connue, marque-t-elle la fin de cette ère ? Beaucoup l’espèrent.

Pourquoi Marrakech ?

Le Maroc, pays hôte de cette 93e assemblée, n’a pas choisi la ville ocre par hasard. Marrakech offre un cadre prestigieux et une position géographique stratégique entre l’Europe et l’Afrique. Le royaume chérifien, membre actif d’Interpol depuis 1957, a su ces dernières années se positionner comme un partenaire fiable en matière de lutte antiterroriste et contre la criminalité organisée.

Accueillir l’assemblée générale était aussi une manière de renforcer cette image et de consolider les liens avec les polices du monde entier.

Et maintenant ? Les défis qui attendent Lucas Philippe

Si le rôle est honorifique, les chantiers sont immenses :

  1. Restaurer la crédibilité d’Interpol après les scandales récents
  2. Renforcer la lutte contre la cybercriminalité, priorité numéro 1
  3. Améliorer la coopération avec les pays africains et asiatiques
  4. Garantir l’indépendance de l’organisation face aux pressions politiques
  5. Préparer la transition vers un monde où l’intelligence artificielle change la donne criminelle

Autant de sujets sur lesquels le nouveau président sera attendu, même s’il ne dirige pas les opérations quotidiennes.

Lucas Philippe prendra officiellement ses fonctions à la fin de l’année 2025. D’ici là, il continuera son travail au sein de la police nationale française tout en préparant cette nouvelle mission internationale.

Une chose est sûre : après des années mouvementées, Interpol entre dans une phase de stabilisation. Et c’est un Français qui en tient, symboliquement, le gouvernail.

En définitive, cette élection n’est pas seulement celle d’un homme. C’est celle d’une vision : celle d’une coopération policière internationale respectueuse des droits humains et tournée vers les défis du XXIe siècle.

L’histoire d’Interpol continue de s’écrire. Et pour une fois, c’est sous pavillon tricolore.

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