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L’Ouganda interdit les danses “diaboliques” lors des enterrements

En Ouganda, le gouvernement vient d'interdire le "disco matanga", ces fêtes funéraires nocturnes qui dégénèrent en abus sexuels sur des jeunes filles. Une décision radicale pour mettre fin à une tradition de plus en plus controversée...

En Ouganda, une pratique funéraire traditionnelle fait polémique. Appelé “disco matanga”, qui signifie littéralement “disco funéraire” en swahili, ce rituel nocturne voit des hommes, souvent sous l’emprise de l’alcool ou de drogues, payer des jeunes femmes pour danser lors de veillées mortuaires. L’argent ainsi récolté sert ensuite à financer les obsèques du défunt. Mais face à la multiplication des dérives, le gouvernement ougandais a décidé de sévir.

Le “disco matanga”, une tradition funéraire africaine de plus en plus controversée

Très répandu dans l’est de l’Ouganda, en particulier dans les régions frontalières du Kenya où il est apparu, le “disco matanga” suscite de plus en plus de critiques. Lors de ces soirées festives organisées pour rendre hommage aux défunts, des jeunes filles, parfois mineures, sont payées pour se trémousser en tenues légères devant une assistance masculine avinée.

Si cette pratique, qui peut durer toute la nuit, permet de collecter des fonds pour payer l’enterrement, elle donne lieu à de nombreux abus. Attouchements, harcèlement, agressions sexuelles… Les témoignages de victimes se multiplient. Des ONG dénoncent également des cas de prostitution forcée lors de ces fêtes funéraires qui tournent au drame.

Une “danse diabolique” interdite par le gouvernement

Lundi, la ministre ougandaise des Affaires générales Justine Kasule Lumumba a annoncé l’interdiction pure et simple du “disco matanga” sur tout le territoire. Qualifiant cette tradition de “danse diabolique”, elle a donné instruction à la police “de s’assurer que le disco matanga cesse et que quiconque en organise soit arrêté et poursuivi devant les tribunaux”.

“Lors de ces soirées, des jeunes filles sont obligées de se produire sur scène en robes courtes et de danser de manière séduisante pour attirer les hommes et contribuer à la collecte de fonds pour les frais d’enterrement. Ces représentations ont lieu la nuit et des filles sont sexuellement abusées”, a déclaré la ministre à l’AFP.

Justine Kasule Lumumba, ministre ougandaise des Affaires générales

Plusieurs drames liés au “disco matanga”

Ces derniers mois, plusieurs drames directement liés à l’organisation de “disco matanga” ont défrayé la chronique en Ouganda. Dans le district de Namayingo, dans l’est du pays, une jeune femme est morte après avoir été violée collectivement à l’issue d’une de ces soirées. Un jeune homme a également été tué lors d’une rixe en marge d’un “disco funéraire”.

Le Kenya voisin, confronté aux mêmes dérives, avait déjà interdit cette pratique sur son territoire dès 2018. En Ouganda, des responsables locaux saluent la décision du gouvernement et promettent de la faire strictement appliquer. Il était temps que les autorités réagissent face à cette tradition de plus en plus déviante et dangereuse pour la jeunesse.

Une décision saluée mais qui suscite des critiques

Si l’interdiction du “disco matanga” est globalement bien accueillie en Ouganda, elle suscite aussi des critiques. Certaines voix s’élèvent pour défendre cette pratique, ancrée dans la tradition, et pointer la responsabilité des participants.

“Le problème ce n’est pas la danse en soi mais le comportement de certains hommes qui profitent de la situation. Il faudrait davantage éduquer et responsabiliser les gens plutôt que de tout interdire”, estime un notable local.

Un notable local anonyme

D’autres font valoir que le “disco matanga” permet aux familles les plus pauvres de récolter l’argent nécessaire pour offrir un enterrement digne à leurs proches. Sans cette manne financière, beaucoup n’auront plus les moyens d’organiser des funérailles. Un casse-tête dans un pays où le taux de pauvreté frôle les 50%.

Malgré ces réserves, la plupart des Ougandais se félicitent de la décision du gouvernement. Dans ce pays profondément religieux et conservateur, où l’homosexualité est sévèrement réprimée, la généralisation de ces fêtes funéraires sexualisées et arrosées passait de plus en plus mal. Le difficile combat contre les violences faites aux femmes l’a emporté sur la préservation d’une tradition ancestrale qui avait fini par perdre son sens…

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