C’est un prix Albert Londres au parfum d’engagement et de révélations. Mercredi, la journaliste du Monde Lorraine de Foucher a remporté la 86e édition de cette récompense majeure du journalisme francophone. Le jury a salué ses reportages percutants sur « des sujets trop longtemps tus », comme les violences faites aux femmes. Un symbole fort à l’heure où le mouvement MeToo libère la parole des victimes.
Des sujets tabous enfin mis en lumière
À seulement 38 ans, Lorraine de Foucher s’attaque sans détour aux zones d’ombre de notre société. Parmi ses enquêtes marquantes, celle sur Gisèle Pelicot, victime de viols en série sous soumission chimique, devenue un symbole des victimes de violences sexuelles en France. La journaliste a aussi donné voix aux femmes migrantes violées, aux victimes de l’industrie du porno ou encore aux adolescents tueurs à gages.
Elle s’attaque à des sujets trop longtemps tus dans notre société et les traite avec curiosité, style et respect.
Le jury du prix Albert Londres
Le jury a été séduit par son écriture « haute couture » et sa faculté à aborder ces thématiques sensibles avec « curiosité, style et respect ». Un journalisme d’impact qui ose mettre en lumière l’indicible.
Le reportage immersif à l’honneur
Autre sujet brûlant récompensé cette année avec le prix de l’audiovisuel : le travail des enfants exploités dans les mines d’or aux Philippines. Le film « Philippines : les petits forçats de l’or » d’Antoine Védeilhé et Germain Baslé (Arte) a été distingué pour « une narration à la manière d’Albert Londres » et « une maîtrise de l’image rare qui marque les mémoires ». Une plongée saisissante au cœur d’une réalité méconnue.
Cyberattaques : la menace invisible
Enfin, le prix du livre a été attribué à Martin Untersinger pour « Espionner, mentir, détruire » (Ed. Grasset). Cette enquête « vivante, limpide et originale » décrypte les rouages complexes des attaques dans le cyberespace, un sujet encore peu exploré. De quoi alerter sur les dangers de cette nouvelle guerre de l’ombre.
Lorraine de Foucher, une pionnière engagée
Pour Lorraine de Foucher, ce prix Albert Londres est « un signal fort ». Il reconnaît « les violences masculines » comme « un nouveau champ » pour le journalisme. Un exercice « particulier » qui demande de « travailler avec des victimes très marquées » et de gérer « la question du trauma, de l’émotion ».
Diplômée du Centre de formation des journalistes (CFJ) de Paris, Lorraine de Foucher est devenue en quelques années une figure montante du journalisme d’investigation. Avant de rejoindre Le Monde, elle avait déjà participé à une cellule d’enquête sur les féminicides. Podcasteuse et écrivaine, elle trace son sillon avec détermination pour briser les silences.
Le prix Albert Londres, créé en 1933, est considéré comme la récompense la plus prestigieuse du journalisme francophone. Avec ce palmarès 2024, il confirme son rôle de révélateur de talents et de sujets sociétaux majeurs. Une boussole nécessaire à l’heure où l’information est une arme plus puissante que jamais.