En Russie, la répression de l’opposition prend un nouveau tournant avec le harcèlement judiciaire visant l’opposant en exil Ilia Iachine et sa famille. Condamné fin 2022 pour avoir dénoncé les crimes de guerre à Boutcha en Ukraine, ce militant libéral avait pu quitter le pays l’année dernière dans le cadre d’un vaste échange de prisonniers. Mais le répit aura été de courte durée.
Perquisition et interrogatoire pour les parents de Iachine
Jeudi, la police russe a effectué une perquisition au domicile des parents d’Ilia Iachine, avant de les soumettre à un interrogatoire. Ces derniers sont visés pour leur lien avec une nouvelle affaire pénale ouverte en décembre contre leur fils, accusé de ne pas s’être déclaré « agent de l’étranger ». Un qualificatif lourd de menaces dans un pays où la dissidence est traquée.
Iachine a ironisé sur cette procédure, demandant sur les réseaux sociaux si les services de sécurité ignoraient où ils l’avaient « eux-mêmes expulsé ». Actuellement réfugié en Allemagne, il reste impliqué dans l’opposition russe en exil, n’hésitant pas à manifester encore en novembre à Berlin contre la guerre en Ukraine et le régime de Vladimir Poutine.
Étouffement de toute contestation
Loin d’être un cas isolé, cette pression sur l’entourage d’Ilia Iachine illustre la volonté du Kremlin d’étouffer toute velléité de contestation, au pays comme à l’étranger. L’un des rares opposants encore présents en Russie, Lev Chlosberg, vient ainsi d’être inculpé pour non-respect des contraintes liées à son statut d' »agent de l’étranger ». Assigné à résidence dans l’attente de son procès, le militant Konstantin Kotov a quant à lui choisi de fuir clandestinement le pays.
J’ai compris que jouer à la roulette avec le tribunal et l’enquête n’avait absolument aucun sens.
– Konstantin Kotov au média indépendant Mediazona
Intensification de la répression depuis l’invasion de l’Ukraine
Déjà considérable avant le conflit, la répression contre les voix critiques du pouvoir s’est intensifiée depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Avec une escalade des peines, le renforcement de l’arsenal législatif liberticide et la multiplication des procédures judiciaires. La condamnation d’Ilia Iachine à 8 ans et demi de prison pour « diffusion de fausses informations » sur l’armée russe en est emblématique.
Son tort ? Avoir relayé sur les réseaux sociaux les révélations sur les exactions russes commises dans la ville ukrainienne de Boutcha près de Kiev. Des crimes de guerre documentés et condamnés par la communauté internationale, mais que Moscou persiste à nier en toute mauvaise foi. Dans ce contexte, évoquer ne serait-ce que l’existence de ces atrocités est devenu un délit passible de lourdes sanctions.
Une opposition muselée mais tenace
Malgré ce climat d’oppression, l’opposition russe tente de ne pas renoncer. Même en exil forcé, beaucoup comme Ilia Iachine refusent de se taire. Au péril de leur liberté et au prix de l’acharnement contre leurs proches restés au pays. Le dernier exemple en date d’une résistance héroïque face à un régime de plus en plus autoritaire, qui n’admet plus aucune voix dissonante sur son territoire comme en dehors de ses frontières.
Cette situation critique pour les droits humains suscite l’indignation des défenseurs des libertés à travers le monde. Plusieurs ONG et gouvernements ont appelé Moscou à cesser sa politique de harcèlement judiciaire contre les opposants et leurs familles. Mais dans une Russie de plus en plus isolée et repliée sur elle-même, ces appels risquent fort de rester lettre morte. À l’image du sort réservé à toute contestation dans ce pays où la démocratie n’est plus qu’un vain mot.