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L’opération “griffe-verrou” de la Turquie bientôt terminée

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que l'opération "griffe-verrou" lancée en avril 2022 contre le PKK dans le nord de l'Irak et de la Syrie touchait à sa fin. Des "coups sérieux" auraient été portés à l'organisation kurde, rendant la frontière turque plus sûre. Mais qu'en est-il vraiment sur le terrain ?

C’est une annonce qui ne manquera pas de faire réagir dans la région. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré ce samedi que l’opération “griffe-verrou” menée par l’armée turque contre le PKK dans le nord de l’Irak et de la Syrie était sur le point de s’achever. Lancée en avril 2022 pour sécuriser la frontière sud de la Turquie face à la menace des rebelles kurdes, cette vaste offensive militaire aurait selon Ankara “porté des coups sérieux à l’organisation terroriste”.

S’adressant à de jeunes diplômés de l’académie militaire d’Istanbul, Erdogan s’est montré catégorique : “Nous compléterons très bientôt le verrouillage de la zone d’opération dans le nord de l’Irak”, a-t-il martelé. “Nous compléterons les points manquants de la ceinture de sécurité le long de notre frontière sud en Syrie”, a-t-il ajouté, affirmant la détermination de la Turquie à “éliminer toute structure susceptible de constituer une menace” à ses frontières.

Une opération d’envergure contre le PKK

Baptisée “griffe-verrou”, cette opération militaire turque visait à créer une zone tampon le long de la frontière avec l’Irak et la Syrie, régions où sont retranchés de nombreux combattants kurdes du PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara. Depuis le lancement de l’offensive en avril 2022, l’armée turque a mené des raids aériens et des incursions terrestres dans ces territoires montagneux, s’attirant les critiques de Bagdad et Damas qui dénoncent une violation de leur souveraineté.

Mais pour le président Erdogan, l’enjeu sécuritaire prime. Selon lui, l’opération aurait permis d’asséner un coup fatal au PKK :

L’organisation séparatiste est devenue incapable d’agir à l’intérieur de nos frontières. En Irak et en Syrie, elle est complètement piégée.

Recep Tayyip Erdogan, Président de la Turquie

Quelle situation sur le terrain ?

Si l’on en croit les déclarations triomphales d’Erdogan, la Turquie serait parvenue en un peu plus d’un an à sécuriser totalement sa frontière sud en portant un coup fatal au PKK. Une prouesse qui semble presque trop belle pour être vraie. Car malgré les importants moyens déployés, la guérilla kurde n’a pas dit son dernier mot dans ses bastions traditionnels du nord de l’Irak et de la Syrie.

Certes, l’aviation et les forces spéciales turques ont pilonné de nombreuses positions et bases arrières des rebelles. Mais le relief montagneux et l’absence de réelle coopération des forces irakiennes et syriennes compliquent la tâche d’Ankara. Les accrochages sont encore fréquents dans la région et le PKK conserve des capacités de nuisance, même s’il a été affaibli par l’offensive.

Quel impact sur les relations régionales ?

Au-delà de sa dimension sécuritaire, l’opération “griffe-verrou” a aussi des répercussions géopolitiques. En intervenant militairement en Irak et en Syrie sans l’aval de Bagdad et Damas, la Turquie s’expose à une dégradation de ses relations avec ces pays voisins. Même si des canaux de dialogue existent, les critiques sont vives contre ce qui est perçu comme une ingérence turque.

La situation est particulièrement tendue avec la Syrie de Bachar al-Assad, qui voit d’un très mauvais œil la présence de soldats turcs dans le nord du pays. Ankara y soutient des groupes rebelles hostiles à Damas et cherche à y établir une zone d’influence pour contrer les velléités autonomistes des Kurdes syriens, alliés du PKK. Un jeu d’équilibriste périlleux qui nourrit les frictions.

Quelles perspectives pour le conflit kurde en Turquie ?

Si l’opération “griffe-verrou” venait effectivement à s’achever comme l’annonce Erdogan, cela ne signifierait pas pour autant la fin du conflit kurde en Turquie. Malgré la répression, le PKK conserve une capacité de résilience et peut compter sur des soutiens dans la population kurde, qui représente environ 20% des 84 millions d’habitants du pays.

En l’absence d’un véritable processus de paix, la question kurde reste un défi majeur pour la Turquie. L’option militaire privilegiée par Erdogan a certes permis des gains tactiques, mais elle ne règle pas le problème sur le fond. Seules des négociations inclusives, actuellement au point mort, pourraient dessiner une issue politique au conflit. Un scénario qui semble malheureusement bien lointain dans le contexte actuel.

L’annonce par Recep Tayyip Erdogan d’une fin imminente de l’opération “griffe-verrou” illustre donc la détermination de la Turquie à sécuriser ses frontières sud coûte que coûte. Mais au-delà de la communication triomphale, la réalité du terrain est plus nuancée. Si des coups durs ont été portés au PKK, le chemin vers une normalisation durable s’annonce encore long et semé d’embûches. Car tant qu’une solution politique ne sera pas trouvée, la question kurde continuera de peser sur la stabilité et les équilibres régionaux.

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