Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, les enquêteurs de l’ONU oeuvrent sans relâche pour rassembler les preuves des innombrables atrocités commises dans le pays. Mais après des années de travail à distance, ils réclament aujourd’hui l’autorisation de se rendre sur place pour mener des investigations de terrain et mesurer l’ampleur réelle des crimes.
Robert Petit, qui dirige le Mécanisme international, impartial et indépendant (MIII) de l’ONU chargé d’enquêter sur les crimes les plus graves perpétrés en Syrie, a rencontré les nouvelles autorités à Damas. Il leur a soumis une demande officielle pour pouvoir entamer le travail sur le terrain, jusque-là impossible.
Des centaines de lieux de détention et fosses communes
Les enquêtes menées à distance ont déjà permis de documenter l’existence de centaines de centres de détention improvisés à travers le pays. D’après M. Petit, chaque centre de sécurité, base militaire ou prison avait son propre lieu de détention, voire sa fosse commune. Mais l’ampleur réelle du phénomène reste à déterminer.
Il faudra un long moment avant d’en connaître toute l’étendue.
Robert Petit, chef des enquêteurs de l’ONU sur la Syrie
Selon une ONG de défense des droits de l’Homme, plus de 100 000 personnes seraient mortes dans les geôles du régime syrien depuis 2011. Mais ces estimations pourraient être en-deçà de la réalité.
Préserver les preuves, un défi majeur
Depuis la chute de Bachar al-Assad début décembre et l’ouverture des prisons, les craintes se multiplient concernant la préservation des documents et autres preuves matérielles des crimes, essentielles aux enquêtes et aux poursuites judiciaires.
Pour Robert Petit, les preuves existantes sont déjà suffisantes pour inculper les responsables. Mais leur sauvegarde nécessitera une coordination de tous les acteurs. Un défi de taille, alors que le pays est plongé dans le chaos.
Des preuves déjà utilisées dans des procédures à l’étranger
Même rassemblées à distance, les preuves collectées par les enquêteurs onusiens ont déjà servi dans environ 230 procédures judiciaires dans 16 pays, notamment en Europe. Elles ont permis d’initier des poursuites contre des responsables syriens suspectés de crimes.
Mais pour que la justice passe à une plus grande échelle, l’accès au terrain syrien apparaît indispensable. Les enquêteurs de l’ONU sont désormais suspendus à la réponse des nouvelles autorités. De leur décision dépendra la possibilité de faire enfin toute la lumière sur l’un des chapitres les plus sombres du conflit syrien.