Un scandale secoue actuellement l’Ouganda suite à l’enlèvement au Kenya d’un opposant politique de premier plan. Kizza Besigye, 68 ans, a comparu mercredi devant une cour martiale à Kampala, la capitale ougandaise, seulement quatre jours après avoir été « kidnappé » au Kenya selon son épouse.
L’opposant, qui a osé se présenter à quatre reprises contre le président Yoweri Museveni au pouvoir depuis 1986, est soupçonné de « menace à la sécurité nationale ». Lors de sa comparution, il lui a été reproché d’avoir été en possession de deux armes à feu.
L’ONU exige sa libération immédiate
Face à cette situation préoccupante, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk, a vivement réagi. Dans un communiqué, il a réclamé aux autorités ougandaises la libération immédiate de Kizza Besigye. Il a également demandé l’ouverture d’une enquête « sur les circonstances de son enlèvement ».
De tels enlèvements de dirigeants et de partisans de l’opposition ougandaise doivent cesser, tout comme la pratique très préoccupante en Ouganda consistant à poursuivre des civils devant des tribunaux militaires.
Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme
Le chef de l’ONU pour les droits de l’Homme s’est dit « choqué » par cet enlèvement. Il a appelé le gouvernement ougandais à garantir que toute mesure prise soit « pleinement conforme au droit international en matière de droits de l’homme ». Les accusations portées contre M. Besigye « pourraient conduire à la peine de mort » selon lui.
Une répression systématique de l’opposition
Ce n’est malheureusement pas un cas isolé en Ouganda. Le pays est régulièrement épinglé par les ONG et gouvernements occidentaux pour ses atteintes récurrentes aux droits humains, à la liberté d’expression et pour sa répression violente de toute voix dissidente.
Fin juillet, ce sont 36 membres du parti d’opposition créé par Kizza Besigye, le Forum pour le changement démocratique (FDC), qui avaient été arrêtés au Kenya. Expulsés vers l’Ouganda, ils ont été inculpés pour « terrorisme » avant d’être finalement libérés sous caution fin octobre.
Les tribunaux militaires dans le viseur
Au-delà de l’enlèvement et de la détention arbitraire, c’est aussi le recours aux tribunaux militaires pour juger des civils qui est pointé du doigt par l’ONU. Volker Türk a rappelé les conclusions du Comité des droits de l’homme selon lesquelles « les civils jugés par les tribunaux militaires ougandais ne bénéficient pas des mêmes garanties de procédure que ceux des tribunaux civils ».
L’Ouganda doit supprimer, sans plus tarder, la compétence des tribunaux militaires sur les civils.
Comité des droits de l’homme de l’ONU
Un régime prêt à tout pour conserver le pouvoir ?
Derrière l’affaire Kizza Besigye se dessine le spectre d’un régime usé, prêt à franchir toutes les lignes rouges pour museler une opposition déterminée. Ancien médecin personnel du président Museveni, M. Besigye avait osé se présenter contre lui à quatre reprises entre 2001 et 2016. Un affront sans doute impardonnable aux yeux du dictateur qui règne sans partage depuis plus de 35 ans sur ce pays d’Afrique de l’Est.
Mais malgré l’escalade dans la répression, les kidnappings extraterritoriaux et l’instrumentalisation de la justice militaire, le docteur Besigye et ses partisans ne semblent pas prêts à abdiquer. Leur combat pour une alternance démocratique en Ouganda a pris une dimension internationale avec l’implication de l’ONU. Reste à voir si la pression de la communauté internationale suffira à infléchir la dérive autoritaire du régime Museveni. Les prochains jours seront cruciaux pour le sort de Kizza Besigye, et plus largement, pour l’avenir des libertés fondamentales en Ouganda.