Un nouveau documentaire passionnant plonge dans l’une des pages les plus sombres de l’Histoire. L’Ombre du Commandant, de la réalisatrice allemande Daniela Völker, nous entraîne sur les traces de Rudolf Höss, le tristement célèbre officier nazi qui dirigea le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais plus qu’un simple portrait historique, le film offre un point de vue inédit en allant à la rencontre de Hans-Jurgen Höss, le petit-fils de Höss, aujourd’hui âgé de 87 ans.
Une Enquête Palpitante et Émouvante
S’appuyant sur l’autobiographie glaçante écrite par Rudolf Höss lui-même avant son exécution en 1947, Daniela Völker mène l’enquête tel un polar pour explorer les répercussions de ce lourd héritage familial. Comment Hans-Jurgen et ses frères et sœurs, qui ont grandi dans l’ombre du camp, ont-ils traversé le siècle après la guerre ? Quel est encore aujourd’hui le poids de ce passé pour leurs descendants ?
Au fil d’un projet au long cours, la réalisatrice a dû faire preuve de persévérance pour convaincre Hans-Jurgen Höss de témoigner face caméra, plus de 70 ans après la fin de la guerre. Un effort qui valait la peine tant ce document unique offre un regard différent et complémentaire au récent film de fiction La Zone d’intérêt, du Britannique Jonathan Glazer, qui mettait en scène le quotidien du commandant et de sa famille.
Des Destins Croisés
Mais L’Ombre du Commandant va plus loin en explorant en parallèle le parcours d’Anita Lasker-Wallfisch, violoniste qui a survécu à l’enfer d’Auschwitz. En croisant les témoignages et les destins de Hans-Jurgen et d’Anita, le documentaire prend une dimension universelle et intime. De manière bouleversante, on les voit l’un et l’autre se réconcilier avec leur douloureuse histoire familiale.
Je me suis toujours dit qu’il ne pouvait y avoir de survivant ou de victime sans criminel, et que leurs histoires allaient de pair.
– Daniela Völker, réalisatrice
Ainsi, le pasteur Hans-Jurgen Höss, à la tête d’une communauté aimante, ne comprend pas comment son père a pu ignorer les souffrances des déportés alors qu’il n’était qu’un enfant. Maya, la fille d’Anita, reproche quant à elle à sa mère de lui avoir transmis sa souffrance. Deux trajectoires de vie marquées à jamais par les atrocités nazies.
Une Rencontre Inattendue
Mais le point d’orgue de ce documentaire est sans nul doute la rencontre, après des années de correspondance, entre Hans-Jurgen Höss et Anita Lasker-Wallfisch, deux octogénaires que tout semble opposer mais que l’Histoire a tragiquement réunis. Une scène à la fois étonnante et émouvante, filmée avec pudeur et délicatesse par Daniela Völker.
L’Ombre du Commandant apporte ainsi une pierre essentielle à l’édifice du devoir de mémoire. En donnant la parole aux descendants directs de l’un des plus grands criminels nazis, il offre un éclairage rare et précieux sur les conséquences à long terme de la barbarie à l’échelle d’une famille. Un document aussi instructif que bouleversant, à ne pas manquer.
L’Ombre du Commandant, un film de Daniela Völker. 1h47. Sortie le 6 novembre 2024 au cinéma.