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Logiciels Espions : Des ONG Serbes Portent Plainte Contre l’État

Un scandale de surveillance éclate en Serbie. Des ONG accusent les autorités d'espionner illégalement journalistes et militants avec des logiciels espions. Elles passent à l'action en justice et alertent la communauté internationale. Jusqu'où iront ces révélations chocs sur une dérive sécuritaire de l'État serbe ?

Un nouveau front s’ouvre dans la bataille pour les libertés numériques en Serbie. Des ONG de défense des droits de l’homme viennent de porter plainte contre les autorités, les accusant d’utiliser illégalement des logiciels espions pour surveiller des journalistes et des militants. Une affaire explosive qui met en lumière les dérives sécuritaires de l’État serbe.

La police et les services secrets dans le viseur

Tout est parti d’un rapport d’Amnesty International publié mi-décembre. L’ONG y révèle que les autorités serbes déploient secrètement des logiciels espions sur les appareils de personnes ciblées, s’octroyant ainsi des « capacités de surveillance étendues ». Dans le collimateur : des journalistes et des militants de la société civile. Deux d’entre eux témoignent avoir été infectés lors d’une garde à vue ou d’un interrogatoire.

Face à ces révélations, neuf ONG emmenées par l’organisation SHARE, spécialisée dans la défense des libertés numériques, ont décidé de saisir la justice. Elles ont déposé une plainte pénale contre X visant l’Agence de sécurité et d’information (BIA, les services secrets) et la police. Les chefs d’accusation sont lourds : collecte non autorisée de données personnelles, création et introduction de virus informatiques, traitement illégal de données électroniques.

Des logiciels espions très intrusifs

Le rapport d’Amnesty documente notamment l’utilisation de deux logiciels : le Serbe NoviSpy et l’Israélien Cellebrite. Le premier peut activer à distance le micro ou la caméra d’un téléphone pour enregistrer et extraire des données sensibles. Le second est utilisé par de nombreuses polices dans le monde pour déverrouiller les smartphones et fouiller leur contenu à la recherche de preuves.

Problème : le cadre légal serbe ne prévoit pas de base juridique pour des mesures aussi intrusives selon les militants. Qui affirment aussi détenir la preuve que des données provenant des appareils infectés ont été envoyées à un serveur lié aux services secrets. De leur côté, la police et la BIA nient en bloc, qualifiant ces accusations d' »absurdes » et assurant respecter la loi.

Appel à la communauté internationale

Au-delà de leur action en justice, les ONG serbes ont décidé d’alerter les institutions internationales. Elles ont saisi l’agence spécialisée de l’ONU ainsi que le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Un moyen de mettre la pression sur Belgrade, candidate à l’adhésion à l’UE. D’autant qu’Amnesty affirme que la Serbie a reçu un de ces logiciels espions dans le cadre d’un programme européen censé l’aider à répondre aux critères d’intégration…

Cette affaire tombe au plus mal pour le pouvoir serbe, régulièrement accusé par la société civile locale de dérive autoritaire. Journalistes indépendants et ONG se plaignent depuis longtemps d’être les cibles de campagnes de dénigrement, de poursuites judiciaires abusives et de menaces. Cette plainte pour surveillance illégale constitue une escalade dans ce bras de fer. Et pose une question dérangeante : l’État de droit est-il bafoué au nom de la sécurité en Serbie ?

Un test pour la démocratie serbe

Au final, cette affaire constitue un véritable test pour la démocratie serbe. Comment les autorités vont-elle réagir ? Une enquête indépendante sera-t-elle menée ? Des têtes vont-elles tomber ? Au-delà, c’est tout l’équilibre entre sécurité et libertés qui est en jeu. Un enjeu majeur à l’ère du tout numérique, où la tentation de la surveillance de masse n’est jamais loin.

Une chose est sûre : les ONG serbes sont déterminées à aller jusqu’au bout pour faire la lumière sur cette affaire. Et obtenir des garanties pour que de tels abus ne se reproduisent plus. La « balle est dans le camp du procureur » comme l’a résumé un des militants. La justice serbe va devoir enquêter sérieusement sur ces graves accusations si elle veut prouver son indépendance. Et rassurer une opinion publique de plus en plus méfiante envers le pouvoir.

Car au-delà du cas serbe, c’est la question du contrôle démocratique des technologies de surveillance qui se pose. Un défi planétaire à l’heure où même les démocraties sont tentées de franchir la ligne rouge au nom de l’anti-terrorisme ou de l’ordre public. Les révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage de masse pratiqué par les États-Unis, y compris sur ses propres citoyens, sont encore dans toutes les mémoires. Tout comme celles sur le logiciel espion Pegasus, vendu par une firme israélienne à de nombreux États pas vraiment démocratiques pour cibler des opposants, des journalistes ou des militants des droits de l’homme.

Face à ces dérives, la vigilance de la société civile est plus que jamais nécessaire. Comme le montre l’exemple serbe, ce sont souvent des ONG et des médias indépendants qui tirent la sonnette d’alarme. Et qui portent ces affaires devant la justice et les instances internationales. Un contre-pouvoir vital pour préserver nos libertés fondamentales à l’ère numérique. Et éviter que Big Brother ne devienne réalité, que ce soit à Belgrade, à Washington… ou dans nos smartphones.

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