Dans une décision très attendue, la cour d’appel de Rome vient de rejeter la requête du gouvernement italien visant à suspendre le remboursement d’un milliard d’euros à l’opérateur Telecom Italia. Ce litige complexe, qui remonte à plus de 25 ans, porte sur le paiement d’une redevance contestée au titre de l’année 1998, juste après la libéralisation du secteur des télécommunications en Europe.
Un jugement confirmé en appel malgré le recours du gouvernement
Selon des sources proches du dossier, la cour d’appel romaine avait déjà ordonné en avril 2024 le remboursement à Telecom Italia de la somme astronomique d’un milliard d’euros. Ce montant se décompose en une redevance initiale d’environ 500 millions d’euros, à laquelle s’ajoutent la réévaluation et les intérêts courus sur plus de deux décennies.
Mais le gouvernement de Giorgia Meloni n’entendait pas en rester là. Il avait donc introduit un recours contre cette décision en demandant la suspension de ses effets jusqu’au jugement définitif de la Cour suprême de cassation, devant laquelle il a également interjeté appel. C’est ce recours qui vient d’être rejeté par la cour d’appel, ouvrant ainsi la voie au remboursement effectif des sommes dues à l’opérateur historique.
Telecom Italia s’est réjoui de cette décision dans un communiqué :
Le jugement ordonnant la restitution de la redevance à Telecom Italia est provisoirement exécutoire, dans l’attente des décisions définitives qui seront prises par la Cour de cassation.
– Communiqué de Telecom Italia
Le cœur du litige : une redevance payée malgré la libéralisation
Pour bien comprendre les enjeux, il faut remonter à l’année 1998. À cette époque, le marché européen des télécommunications vient d’être libéralisé, mettant fin aux monopoles nationaux. Pourtant, l’État italien réclame à Telecom Italia, l’ancien concessionnaire, le paiement d’une redevance calculée sur la base de ses revenus, en échange de droits exclusifs qui n’ont plus cours.
L’opérateur conteste alors cette redevance, arguant qu’elle n’a plus lieu d’être dans le nouveau contexte concurrentiel. Il demande à l’État de lui rembourser les sommes versées. Mais le gouvernement refuse, déclenchant une longue bataille judiciaire qui va durer plus de 20 ans.
La justice européenne donne raison à Telecom Italia
Un tournant majeur intervient en 2020 lorsque la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) établit que la réglementation européenne «ne permettait pas» aux législations nationales «de prolonger pour l’année 1998 l’obligation imposée à une entreprise de télécommunications, anciennement concessionnaire, de payer une redevance calculée sur la base de ses revenus». Forte de cette jurisprudence, Telecom Italia revient à la charge auprès des tribunaux italiens.
C’est sur cette base que la cour d’appel de Rome lui donne gain de cause en avril 2024, ordonnant à l’État de rembourser le milliard d’euros indûment perçu. Une décision saluée par les marchés, le titre Telecom Italia progressant de plus de 1% à la Bourse de Milan après l’annonce.
Autres contentieux en cours pour l’opérateur italien
Telecom Italia est par ailleurs engagé dans une autre bataille judiciaire de taille, qui l’oppose cette fois à son principal actionnaire, le géant français des médias Vivendi. La semaine dernière, le tribunal de Milan a rejeté le recours de Vivendi contre la cession du réseau fixe de l’opérateur au fonds américain KKR.
Vivendi jugeait cette vente «illégale» car non soumise à l’approbation préalable des actionnaires. Mais là encore, les juges en ont décidé autrement. Le groupe français a immédiatement fait appel, prolongeant un peu plus cette saga judiciaire à rebondissements. Des dossiers brûlants et complexes qui mettent en lumière les défis auxquels est confronté le secteur italien des télécoms, entre mutations technologiques, pressions concurrentielles et enjeux de régulation.