L’Italie vient de franchir un pas sans précédent en transférant un premier groupe de migrants vers l’Albanie, pays non-membre de l’Union Européenne. Cet accord, signé fin 2023 entre Rome et Tirana, crée une première pour un pays de l’UE et suscite de vives controverses.
Un patrouilleur italien débarque des migrants en Albanie
Lundi dernier, le patrouilleur de la marine italienne Libra a quitté l’île de Lampedusa avec à son bord un groupe d’hommes originaires du Bangladesh et d’Égypte, à destination de l’Albanie. Selon une source gouvernementale, il s’agit là du premier transfert réalisé dans le cadre de l’accord italo-albanais.
Cet accord, valable pour 5 ans, prévoit la création de deux centres en Albanie où les migrants pourront déposer une demande d’asile. Il concerne les hommes adultes secourus par les autorités italiennes en Méditerranée. Le coût pour l’Italie est estimé à 160 millions d’euros par an.
Une procédure en plusieurs étapes
Les migrants transférés subissent d’abord un contrôle sur un navire militaire italien, avant d’être conduits au port albanais de Shengjin pour une identification. Ils sont ensuite transférés vers un second centre, sur une ancienne base militaire, où ils sont détenus en attendant le traitement de leur demande d’asile.
L’intérieur des camps est sous responsabilité italienne, tandis que la sécurité extérieure est assurée par la police albanaise. Les demandeurs d’asile sont logés dans des préfabriqués entourés de hauts murs et surveillés par caméras.
Des camps de “détention légère” critiqués
Le ministre italien de l’Intérieur Matteo Piantedosi a qualifié ces centres de “détention légère”, assurant qu’il n’y avait “pas de barbelés mais de l’assistance”. Pourtant, le syndicat de l’administration publique UILPA a dénoncé les conditions de vie dans ces camps, pointant des restrictions d’accès à l’eau, l’électricité et aux moyens de communication.
Le gouvernement Meloni hausse les impôts et gaspille près d’un milliard d’euros en 5 ans au détriment des droits fondamentaux des personnes.
Elly Schlein, cheffe du Parti Démocrate
Une proposition d’élargir le principe à l’échelle européenne
L’Italie et la Hongrie ont proposé d’étendre ce système à l’échelle de l’UE, avec la création de “hubs de retour” où seraient renvoyés les migrants illégaux hors de l’Union. Cette proposition pourrait être discutée lors du prochain sommet européen à Bruxelles.
L’accord italo-albanais s’inscrit dans une série de mesures prises par le gouvernement Meloni pour freiner l’immigration illégale. L’Italie a aussi conclu des accords similaires avec la Tunisie et la Libye.
Une externalisation des procédures d’asile qui pose question
Si l’Italie voit dans ces accords un moyen de réduire la pression migratoire, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer une externalisation des procédures d’asile contraire aux valeurs européennes. Le transfert et la détention de demandeurs d’asile dans des pays tiers soulèvent en effet de sérieuses questions quant au respect de leurs droits fondamentaux.
Délocaliser l’accueil des demandeurs d’asile hors de l’UE est une ligne rouge. Cela reviendrait à se décharger de nos responsabilités sur des pays tiers, sans garantie sur les procédures et les conditions d’accueil.
Une source au sein de la Commission Européenne
D’autres pays européens confrontés à des arrivées de migrants pourraient cependant être tentés de suivre l’exemple italien. La France a déjà évoqué un possible accord avec le Maroc. Pour certains observateurs, on assiste à une course au “moins-disant” de l’accueil, au détriment des valeurs humanistes dont se réclame l’Europe.
Le précédent italien ouvre en tout cas un nouveau chapitre dans la gestion européenne des flux migratoires. Entre volonté de maîtrise des frontières et devoir d’accueil, l’UE peine toujours à trouver une ligne commune. L’accord italo-albanais, s’il prospère, marquera un tournant majeur dans la délicate équation entre souveraineté et solidarité.