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L’Italie Invalide Les Renvois De Demandeurs D’Asile En Albanie

L'Italie invalide un renvoi inédit de demandeurs d'asile vers l'Albanie. Quelles sont les règles européennes en la matière ? Décryptage d'une décision qui soulève de nombreuses questions sur la notion de pays sûr et les possibilités de…

La décision récente d’un tribunal italien d’invalider le renvoi de demandeurs d’asile égyptiens et bangladais vers l’Albanie soulève de nombreuses interrogations sur la notion de pays sûr et la législation européenne en matière d’asile. Cette première judiciaire met en lumière les limites des accords de transferts de migrants conclus entre certains États membres de l’UE et des pays tiers.

Les raisons de l’annulation par la justice italienne

En 2023, l’Italie a signé un accord déléguant l’examen des demandes d’asile de certains ressortissants à l’Albanie, dans l’objectif d’accélérer les procédures pour les personnes originaires de pays considérés comme sûrs. Cependant, les juges italiens ont estimé que ni le Bangladesh, ni l’Égypte ne répondaient à ce critère, ordonnant le retour de 12 migrants afin que leur dossier soit traité selon la procédure normale. Comme l’explique la juriste Perrine Dumas :

L’idée était d’accélérer également leur retour éventuel dans leur pays d’origine.

Perrine Dumas, maître de conférence en droit public et spécialiste des migrations

Qu’est-ce qu’un pays d’origine sûr selon le droit européen ?

La décision des juges italiens est conforme à un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui précise les critères permettant de qualifier un pays “d’origine sûr”. Ainsi, seuls des pays entiers peuvent être désignés comme tels par les États membres, et non des régions spécifiques. De plus, les possibilités de renvoyer un demandeur d’asile vers un pays tiers pour y voir sa demande examinée sont très encadrées :

  • Le demandeur ne doit craindre ni pour sa vie, ni pour sa liberté dans ce pays tiers
  • La Convention de Genève sur les réfugiés doit y être respectée

D’autres exemples de transferts de demandeurs d’asile

Si l’envoi par l’Italie de migrants vers un pays non-européen comme l’Albanie est inédit, d’autres mécanismes de transferts existent. Actuellement, le règlement de Dublin permet de transférer l’examen d’une demande d’asile vers certains pays européens dits “super sûrs”. Le Royaume-Uni avait un projet similaire de renvois vers le Rwanda, jugé illégal. Hors d’Europe, l’Australie a renvoyé des milliers de migrants vers des centres de rétention dans le Pacifique. Mais comme le souligne Yves Pascouau, spécialiste des migrations :

L’envoi de demandeurs d’asile dans un pays non-européen en dehors de l’UE comme l’a fait l’Italie avec l’Albanie est une première.

Yves Pascouau, docteur en droit public, spécialiste des migrations

Quelles perspectives pour la politique migratoire européenne ?

Cette décision sans précédent soulève de nombreuses questions sur l’avenir de la politique d’asile européenne. Si certains y voient un coup d’arrêt aux velléités d’externalisation de l’examen des demandes, d’autres estiment au contraire qu’elle ouvre la voie à de nouveaux accords avec des pays tiers, moyennant des garanties sur le respect des droits des demandeurs. Une chose est sûre, le débat est loin d’être clos et continuera d’animer les discussions entre États membres dans les mois à venir, alors que l’Union peine toujours à réformer son système d’asile commun.

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