Alors que les négociations sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur semblent toucher à leur fin après plus de 20 ans de discussions, l’Italie vient de jeter un pavé dans la mare. Selon des sources gouvernementales italiennes, Rome estime que « les conditions ne sont pas réunies pour souscrire au texte actuel ».
L’Italie exige des garanties pour son agriculture
Le gouvernement italien conditionne sa signature à la mise en place de « protections adéquates et de compensations » pour son secteur agricole, craignant des « déséquilibres » en cas d’ouverture de son marché aux produits sud-américains. Rome veut s’assurer que les normes européennes en matière de contrôles vétérinaires et phytosanitaires soient pleinement respectées.
L’Italie demande également un « engagement ferme » de la Commission européenne à surveiller les perturbations potentielles sur le marché et à activer rapidement un « système efficace de compensation » le cas échéant. Sans ces garanties concrètes pour répondre aux inquiétudes de ses agriculteurs, Rome menace de ne pas donner son feu vert.
La France aussi très réticente
L’Italie n’est pas la seule à s’opposer à cet accord en l’état. La France, par la voix du président Emmanuel Macron, a fait savoir à la présidente de la Commission Ursula von der Leyen qu’une signature serait « inacceptable » sans modifications. Paris craint notamment un afflux de viande bovine sud-américaine ne répondant pas aux standards européens.
Cet accord ne peut pas être ratifié en l’état. Nous allons le renégocier.
– Emmanuel Macron
L’UE devra convaincre plusieurs États réticents
Même si la Commission européenne parvient à un accord avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), le chemin sera encore long avant une éventuelle entrée en vigueur. Le texte devra être ratifié par au moins 15 États membres représentant 65% de la population européenne, puis validé par le Parlement européen.
Avec l’opposition déjà exprimée par la France, l’Italie et la Pologne, qui jugent le projet déséquilibré en défaveur des agriculteurs européens, obtenir les ratifications nécessaires s’annonce compliqué. La Commission va devoir redoubler d’efforts et de persuasion pour convaincre les États réticents du bien-fondé de cet accord.
Un accord à hauts risques politiques
Au-delà des aspects commerciaux et techniques, la ratification de cet accord pourrait aussi se heurter à l’hostilité croissante des opinions publiques. De nombreuses voix s’élèvent contre les conséquences potentiellement négatives d’un tel traité sur l’environnement, les droits sociaux ou la santé.
Donner leur aval à cet accord pourrait s’avérer risqué pour certains gouvernements européens, déjà confrontés à une montée des populismes et de la défiance envers les institutions. Dans un contexte social tendu, les dirigeants pourraient être tentés de temporiser pour ne pas s’exposer à de nouveaux mouvements de contestation.
Vers un compromis ou un abandon ?
Face à ces obstacles, la Commission européenne va devoir redoubler d’imagination pour tenter de débloquer la situation. Des aménagements seront sans doute nécessaires pour rassurer les États les plus réticents et permettre une ratification, même partielle, de ce vaste accord de libre-échange.
Mais après plus de deux décennies d’âpres négociations, la tentation pourrait aussi être grande, à Bruxelles comme dans les capitales, de jeter l’éponge et de renoncer à ce projet. Quitte à se concentrer sur des accords bilatéraux, jugés plus simples à mettre en œuvre politiquement.
L’opposition affichée de l’Italie constitue en tout cas un nouveau coup dur pour cet accord controversé. La balle est désormais dans le camp de la Commission européenne, qui va devoir redoubler d’efforts pour sauver ce qui représentait l’un des projets phares de sa politique commerciale. Les prochains mois s’annoncent décisifs.