L’Islam trace son chemin au cœur de la société britannique. Selon les récentes données de l’Office national des statistiques (ONS), Muhammad s’est hissé en 2023 au rang de prénom le plus donné aux nouveau-nés en Angleterre et au Pays de Galles. Un symbole fort de l’influence croissante de la religion musulmane outre-Manche, qui bouscule les traditions séculaires du Royaume.
Le règne de Muhammad
Avec pas moins de 4661 naissances enregistrées, Muhammad a détrôné en 2023 le prénom Noah, leader incontesté depuis 2021. Les petits Oliver, George ou Leo complètent le top 5, tous au-delà des 3000 attributions. Mais le triomphe de Muhammad est d’autant plus éclatant que l’ONS distingue ses variantes orthographiques.
Ainsi, Mohammed pointe à la 28ème place avec 1601 nouveau-nés, et Mohammad à la 68ème avec 835 bébés. Réunies, ces déclinaisons du prénom du prophète de l’Islam caracolent donc en tête des choix des jeunes parents britanniques.
L’empreinte de l’immigration
Cette popularité croissante de Muhammad illustre l’implantation durable des populations musulmanes issues de l’immigration au Royaume-Uni. Selon des sources gouvernementales, le pays a accueilli près de 68 000 demandeurs d’asile entre juillet 2023 et juin 2024, un record absolu. Les naturalisations ont également atteint un niveau inédit, avec plus de 246 000 nouveaux citoyens britanniques sur la même période, principalement originaires du sous-continent indien, d’Afrique et du Moyen-Orient.
Ces chiffres records traduisent une nouvelle ère démographique pour le Royaume-Uni, où la diversité culturelle et religieuse s’enracine durablement.
Analyse un expert des migrations interrogé
L’Islam, 2ème religion du royaume
Mécaniquement, l’essor de l’immigration façonne le paysage religieux britannique. Lors du dernier recensement en 2021, seuls 46,2% des habitants se déclaraient chrétiens, contre près de 60% dix ans plus tôt. À l’inverse, la communauté musulmane a bondi, passant de 2,7 à 3,9 millions de fidèles.
L’Islam s’affirme ainsi comme la deuxième religion du pays, reflétant une tendance à l’œuvre dans de nombreuses sociétés européennes. En France aussi, certaines estimations projettent une forte hausse de la proportion de musulmans dans les prochaines décennies.
Vers un nouveau visage de la britannicité ?
Au-delà des prénoms, c’est donc toute l’identité britannique qui se recompose. Les valeurs, modes de vie et aspirations de ces nouvelles générations façonnent peu à peu une britannicité repensée.
Un phénomène que confirme le déclin continu des prénoms « royaux », autrefois plébiscités. George, Archie, Philip ou encore Harry voient leur popularité s’étioler années après années. Comme si le temps des traditions cédait la place à celui d’une société nouvelle, diverse et multi-culturelle.
Le Royaume-Uni a toujours été une terre d’immigration et de brassage. Mais l’ampleur des transformations en cours est inédite. Il nous faut repenser notre récit national pour y inclure ces identités plurielles.
Souligne un sociologue réputé dans les colonnes d’un grand quotidien britannique
Muhammad, symbole d’une révolution démographique et sociétale en marche ? Assurément. Un changement de fond qui interroge ce que signifiera « être britannique » pour les décennies à venir. Un défi autant qu’une opportunité d’écrire ensemble un nouveau chapitre de l’histoire du royaume.