C’est une séquence qui fait grincer des dents et soulève des interrogations. Lundi, lors d’une interview de Valérie Hayer, tête de liste de la majorité aux Européennes, sur France Info, le Premier ministre Gabriel Attal a fait irruption à l’improviste. Un « happening » politique qui passe très mal auprès des syndicats de Radio France, y voyant un dangereux précédent pour l’indépendance des médias publics.
« Un parfum d’ORTF » pour les syndicats
Pour le SNJ-CGT, ce coup d’éclat du Premier ministre a fait souffler « comme un parfum d’ORTF » sur la Maison ronde. Le syndicat dénonce une « prise d’antenne très mal venue » à l’heure où le gouvernement projette une réforme controversée de l’audiovisuel public. Cette intrusion « incongrue » porterait atteinte à l’indépendance de Radio France vis-à-vis du pouvoir politique.
« Depuis quand un Premier ministre peut-il s’inviter à l’improviste dans une émission des médias de service public comme bon lui semble ? »
s’interroge le SNJ-CGT
Au-delà de l’affront fait à la candidate de la majorité, « rabaissée au rang de faire-valoir », c’est tout un symbole qui inquiète. Celui d’un retour à une époque révolue où ministres et personnalités politiques pouvaient dicter leur loi sur les ondes du service public.
Tensions autour de la réforme de l’audiovisuel public
L’incident intervient alors qu’un projet de réforme, prévoyant notamment la fusion des différentes entités de l’audiovisuel public, suscite de vives critiques. Nombre d’opposants redoutent une mise sous tutelle et une perte d’indépendance des médias concernés. Pour les syndicats, la séquence de lundi en donne un avant-goût préoccupant.
Ce happening est « le parfait exemple de ce qui pourrait devenir plus facile et fréquent encore avec le regroupement de l’audiovisuel public que nous refusons »
prévient le SNJ-CGT.
Une mise en garde lourde de sens à l’heure où l’exécutif entend bousculer le paysage audiovisuel. Et un signe que la réforme promet des débats houleux, cristallisant les inquiétudes sur l’avenir du service public et son indépendance.
L’Élysée et Matignon tentent de calmer le jeu
Face à la polémique, le gouvernement s’emploie à éteindre l’incendie. L’entourage de Gabriel Attal évoque un « non-événement » et une « non-polémique », assurant que l’interview s’est déroulée dans des conditions normales. Pas question pour autant de remettre en cause le principe d’indépendance des rédactions, martèle-t-on.
« Il n’y a eu aucune pression ni consigne donnée à France Info »
insiste Matignon.
Reste que l’épisode a jeté un froid et ravivé le débat sur la place du politique dans les médias publics. Un sujet électrique, qui devrait animer les discussions dans les semaines à venir, à mesure que la réforme suit son cours.
Une séquence politique à impact
Au-delà des remous internes à la Maison ronde, l’irruption de Gabriel Attal questionne sur le plan politique. Si le coup médiatique permet à l’exécutif d’afficher son soutien à la majorité pour les Européennes, il prête aussi le flanc aux critiques sur une forme d’autoritarisme et d’ingérence.
Pour l’opposition, c’est une aubaine pour dénoncer la mainmise de l’exécutif sur les médias publics. De quoi nourrir la bataille politique et idéologique qui se joue autour de l’audiovisuel, miroir des fractures françaises. Preuve que dans le débat public, le moindre faux pas peut vite devenir un symbole lourd de sens.
Indépendance des médias, pressions politiques, réforme contestée… Autant de questions brûlantes que l’incident de France Info vient raviver, confirmant que dans le petit monde de l’audiovisuel public, le torchon brûle entre syndicats et gouvernement. Et que la partie de bras de fer ne fait sans doute que commencer.