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L’irrésistible ascension de l’extrême droite roumaine

La Roumanie a frôlé l'élection d'un président d'extrême droite, Calin Georgescu. Retour sur l'ascension fulgurante de ce candidat nationaliste et russophile qui bouleverse la vie politique roumaine. Une nouvelle ère qui s'annonce pour le pays ?

Nul n’aurait parié sur lui il y a quelques mois. Pourtant, le 6 décembre dernier, alors que la Roumanie s’apprêtait à élire son nouveau président au second tour, c’est bien le candidat nationaliste Calin Georgescu qui faisait figure de grand favori. Avant que la Cour constitutionnelle n’annule in extremis le scrutin pour des raisons encore floues. Mais qui est cet inconnu qui a failli accéder à la plus haute fonction de l’État roumain ? Enquête sur un phénomène politique aussi inattendu que déstabilisant pour le pays.

L’outsider devenu incontournable

Jusqu’à récemment, le nom de Calin Georgescu n’évoquait pas grand chose pour la plupart des Roumains. Cet ancien haut fonctionnaire de 52 ans, aux traits sévères et à la chevelure poivre et sel, ne s’était jamais réellement fait remarquer sur la scène politique. Mais c’était sans compter sur son discours virulent, mélange de nationalisme exacerbé et de remise en cause de l’ordre établi, qui a fait mouche auprès d’un électorat désabusé.

Très vite, celui qui se présente comme l’héritier d’une lignée de prêtres orthodoxes a su capter l’attention des médias et créer une dynamique autour de sa candidature. Meetings enflammés, petites phrases choc, prises de position radicales… La stratégie s’est avérée payante. En quelques semaines, Calin Georgescu est passé du statut d’illustre inconnu à celui de candidat incontournable.

Une campagne sous le signe du rejet de l’Occident

Anti-européen convaincu, le candidat n’a eu de cesse de dénoncer l’influence néfaste de Bruxelles et des États-Unis sur son pays. Au cœur de son programme : la remise en cause des liens avec l’OTAN et l’UE, coupables selon lui d’avoir dépouillé la Roumanie de sa souveraineté et de ses richesses. À l’inverse, il n’a pas caché son admiration pour Vladimir Poutine et la Russie, avec laquelle il promet de renouer des « relations privilégiées ».

Ce positionnement pour le moins singulier n’a pas manqué de susciter la polémique dans un pays traditionnellement tourné vers l’Ouest. Mais il a aussi permis à Calin Georgescu de se démarquer et de séduire un électorat en quête de rupture, lassé des élites pro-européennes au pouvoir depuis des années.

La religion orthodoxe, un puissant levier électoral

L’autre force de Calin Georgescu, c’est d’avoir su s’attirer les faveurs d’une partie influente de l’Église orthodoxe roumaine, à laquelle appartiennent plus de 80% des Roumains. Tout au long de la campagne, l’ancien haut fonctionnaire s’est posé en défenseur intransigeant des « valeurs chrétiennes traditionnelles », n’hésitant pas à fustiger le « modèle occidental décadent ». Une rhétorique qui a visiblement séduit dans les milieux religieux conservateurs.

« Je le fais parce qu’il s’agit davantage d’un homme de Dieu que d’un politicien »

– Un archevêque orthodoxe soutenant Calin Georgescu

Certains hauts dignitaires religieux n’ont ainsi pas hésité à prendre ouvertement parti pour lui, allant jusqu’à l’adouber publiquement. Un soutien de poids dans un pays où l’Église jouit encore d’une grande autorité morale et d’une forte capacité de mobilisation.

Le spectre d’une déstabilisation

Mais alors que la victoire lui semblait promise, c’est finalement un coup de théâtre judiciaire qui a stoppé net l’ascension de Calin Georgescu. À 48 heures du second tour, la Cour constitutionnelle a pris la décision rarissime d’annuler purement et simplement le scrutin, sans fournir de réelles explications. Une décision aussitôt dénoncée par le camp nationaliste comme une « manœuvre politicienne » visant à l’empêcher d’accéder au pouvoir.

Déjà mis à mal par des législatives qui ont vu les partis anti-système rafler la mise, le paysage politique roumain se retrouve plus que jamais sens dessus dessous. Bien que privé de second tour, Calin Georgescu peut se targuer d’avoir réalisé un score inédit pour l’extrême droite dans le pays. De quoi nourrir les spéculations sur une possible déstabilisation, à l’heure où la Russie voisine ne cache pas ses velléités expansionnistes.

Une chose est sûre : même battu sur le fil, ce nouveau venu a réussi en un temps record à bousculer l’échiquier politique roumain. Et nul doute que l’on n’a pas fini d’entendre parler de lui et de ses idées dans un pays qui peine à trouver un équilibre depuis la chute du communisme. L’ombre de l’extrême droite n’a sans doute jamais été aussi présente en Roumanie.

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