L’Iran vient de franchir un pas historique en nommant pour la toute première fois un gouverneur issu de la minorité baloutche dans la province du Sistan-Baloutchistan, une région frontalière instable régulièrement secouée par des attentats. Cette nomination sans précédent de Mansour Bijar, 50 ans, marque-t-elle un tournant dans la représentation des minorités en Iran ?
Une province pauvre en proie aux violences séparatistes
Située à la frontière du Pakistan et de l’Afghanistan, la province du Sistan-Baloutchistan est l’une des plus pauvres d’Iran. Elle abrite une importante population de la minorité ethnique baloutche, de confession sunnite, contrastant avec la branche chiite prédominante dans le pays. Cette région est le théâtre de fréquents affrontements entre les forces de sécurité iraniennes et divers groupes armés :
- Rebelles baloutches revendiquant plus d’autonomie, voire l’indépendance
- Groupes jihadistes sunnites radicaux comme Jaish al-Adl (“Armée de la Justice”)
- Trafiquants de drogue profitant de la porosité des frontières
Vendredi dernier encore, une attaque revendiquée par Jaish al-Adl a coûté la vie à 10 policiers dans la province. C’est dans ce contexte de tensions que Mansour Bijar a été nommé gouverneur, trois jours seulement après ce sanglant attentat.
Vers une meilleure représentation des minorités ?
La nomination de Mansour Bijar n’est pas un cas isolé. Ces dernières semaines, le gouvernement iranien a promu deux autres gouverneurs issus de minorités ethniques :
- Un arabophone dans la riche province pétrolière du Khouzestan, qui compte une importante minorité arabe chiite
- Un Kurde sunnite dans la province du Kurdistan, une première en 40 ans pour un tel poste
Ces décisions font écho aux promesses de campagne du président Pezeshkian au printemps dernier. Il s’était engagé à accroître la représentation des femmes, des jeunes et des minorités ethniques et religieuses, notamment des sunnites, au sein du gouvernement. Une main tendue nécessaire dans un pays où les sunnites, soit environ 10% de la population, ont rarement accédé aux postes-clés depuis la révolution islamique de 1979.
Un geste symbolique suffira-t-il à apaiser les tensions ?
Si la nomination d’un gouverneur baloutche constitue indéniablement une avancée, il est encore trop tôt pour parler d’un véritable changement de cap. Les revendications séparatistes et les violences qui minent la région ont des racines profondes, mêlant pauvreté, trafics et ostracisation des minorités. Selon une source proche du dossier, “Il faudra plus que des gestes symboliques pour résorber des décennies de sous-développement et de marginalisation”.
Le chemin vers une représentation équitable des minorités en Iran s’annonce encore long et semé d’embûches. Mais la nomination de Mansour Bijar ouvre une brèche dans laquelle le gouvernement peut s’engouffrer pour démontrer sa volonté réelle d’inclusion. L’avenir dira si ce pari audacieux porte ses fruits ou ne reste qu’un coup politique sans lendemain dans une province en crise.