L’exécution en Iran de Jamshid Sharmahd, un dissident iranien naturalisé allemand, a semé l’effroi et ravivé les inquiétudes de nombreux opposants binationaux. Au-delà de l’horreur de cet acte, ce drame envoie un message limpide selon les observateurs : détenir une double nationalité ne protège en rien face à la répression du régime de Téhéran. Une menace qui plane désormais sur tous les dissidents iraniens à travers le monde.
Un avertissement glaçant pour la diaspora
Accusé par les autorités iraniennes d’être impliqué dans un attentat, Jamshid Sharmahd, 69 ans, a été exécuté lundi après plusieurs années de détention. Sa mort a provoqué un électrochoc parmi les Iraniens vivant à l’étranger, y compris ceux ayant obtenu une autre nationalité.
C’est absolument terrifiant, épouvantable, de se réveiller avec ce genre de nouvelle. C’est la preuve que ce régime se maintient par la violence, la cruauté, les exécutions. Mais c’est aussi un message : la double nationalité ne vous protège pas contre la République islamique d’Iran.
Sahar Aghakhani, Franco-Iranienne
Le cas de Jamshid Sharmahd est loin d’être isolé. En mai et janvier derniers, deux autres binationaux irano-européens, Habib Chaab et Alireza Akbari, ont également été exécutés par le régime, officiellement pour “terrorisme” et “espionnage”. Des accusations que réfutent leurs proches et les ONG de défense des droits humains.
Kidnappings à l’étranger : une menace omniprésente
Autre point commun troublant entre ces affaires : les trois hommes avaient été arrêtés ou enlevés alors qu’ils se trouvaient hors d’Iran, dans des pays voisins comme la Turquie ou les Émirats arabes unis. Une stratégie du régime qui n’hésite plus à s’en prendre à ses opposants par-delà les frontières.
Ces arrestations ou enlèvements à l’étranger mettent une cible dans le dos des dissidents iraniens dans le monde entier. C’est pourquoi cette affaire va bien au-delà du cas de Jamshid Sharmadh.
Gissou Nia, avocate américano-iranienne
Face à cette menace, difficile pour les opposants de se sentir en sécurité, même loin de l’Iran. Beaucoup hésitent désormais à se rendre dans des pays de la région, de peur de connaître le même sort funeste.
L’angoisse des familles d’autres détenus binationaux
L’exécution de Jamshid Sharmahd a également ravivé les pires craintes des proches d’autres prisonniers binationaux, considérés comme des “otages” par les ONG. C’est le cas de Vida Mehrannia, dont le mari, l’universitaire irano-suédois Ahmadreza Djalali, est emprisonné en Iran depuis 8 ans.
Bien sûr, j’ai vraiment peur. Le même scénario pourrait se reproduire pour Ahmadreza. Je suis en contact avec le ministère des Affaires étrangères, et ils me disent seulement qu’ils suivent l’affaire. Mais nous devons le libérer, pas seulement suivre l’affaire.
Vida Mehrannia, épouse d’Ahmadreza Djalali
Selon les estimations, une quinzaine d’Occidentaux, pour la plupart binationaux, seraient actuellement détenus en Iran. Parmi eux, trois Français, un Autrichien, un Irano-Suédois, un Irano-Britannique… Leurs gouvernements respectifs tentent, dans l’ombre, d’obtenir leur libération. Mais les négociations avec Téhéran s’avèrent complexes et opaques.
La politique des “otages” : un levier pour le régime
Pour faire pression, l’Iran n’hésite pas à monnayer la libération de ces “otages” contre celle d’Iraniens détenus à l’étranger, même si ces échanges de prisonniers ne sont jamais officiellement reconnus. Une situation intenable pour les familles, qui dénoncent l’inaction de leurs gouvernements.
Tout ça est un théâtre d’ombres. On ne saura peut-être jamais. Il y a tant d’enjeux régionaux, internationaux. Je ne pense pas que les otages soient abandonnés, les États font de leur mieux, mais il est extrêmement difficile de négocier avec le régime iranien.
Ayda Hazijadeh, députée franco-iranienne
Derrière ces tragédies individuelles se cachent en effet des intérêts géopolitiques qui dépassent le sort des prisonniers. En exécutant Jamshid Sharmahd, l’Iran envoie un message à la fois à sa diaspora et à la communauté internationale dans un contexte régional explosif. Un coup de force en forme d’avertissement, qui soulève l’indignation bien au-delà des frontières du pays.
L’appel des ONG à une réaction internationale ferme
Face à ces exactions, les ONG de défense des droits humains exhortent la communauté internationale à durcir le ton face à Téhéran. Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, a appelé à une “forte réaction” des États et institutions.
Un message en partie entendu par l’Allemagne, qui a qualifié l’Iran de “régime inhumain” et envisage, avec l’Union européenne, des “mesures” de rétorsion. Mais les mots suffiront-ils à infléchir la politique répressive du pouvoir iranien ? Rien n’est moins sûr, tant le sort réservé à Jamshid Sharmahd semble confirmer la ligne de fermeté adoptée par les autorités.
Pour les opposants et leurs proches, l’angoisse et le sentiment de vulnérabilité restent immenses. Car au-delà de la cruauté de la sentence, cette exécution rappelle que face à un régime prêt à toutes les extrémités pour écraser la contestation, même une autre nationalité ne peut garantir leur sécurité. Un constat glaçant qui risque de renforcer le climat de peur, mais aussi la détermination de ceux qui, envers et contre tout, poursuivent leur combat pour le changement en Iran.