Un séisme diplomatique secoue le Moyen-Orient. Avec la chute soudaine de Bachar al-Assad, l’Iran se retrouve dans une position délicate vis-à-vis de son allié historique, la Syrie. Téhéran doit désormais jongler entre le maintien de liens forts, tissés depuis des décennies, et la nécessité de prendre ses distances avec un dirigeant devenu persona non grata sur la scène internationale. Un véritable numéro d’équilibriste pour la République islamique.
Une amitié de longue date mise à l’épreuve
La Syrie et l’Iran entretiennent des relations amicales depuis les années 1970, quand Hafez al-Assad, père de Bachar, a opéré un rapprochement avec Téhéran. Ces liens se sont encore renforcés pendant la guerre Iran-Irak dans les années 80, la Syrie ayant été le seul pays arabe à soutenir l’Iran face à Saddam Hussein. Une alliance stratégique s’est ainsi nouée, atteignant son apogée avec l’appui financier et militaire massif de Téhéran au régime de Bachar al-Assad pendant la guerre civile syrienne.
Mais aujourd’hui, avec la chute du clan Assad qui régnait d’une main de fer depuis 50 ans, cette amitié est mise à rude épreuve. Selon une source proche du dossier, l’Iran doit fondamentalement revoir sa politique syrienne pour conserver une influence dans ce pays hautement stratégique, notamment pour son « axe de la résistance » face à Israël.
L’Iran contraint de changer de ton
Signe de ce changement de cap, les médias iraniens multiplient les critiques contre Bachar al-Assad, jugé coupable de n’avoir « pas prêté suffisamment attention aux recommandations » de Téhéran. Son régime est qualifié « d’autoritaire et répressif » par le journal Ham Mihan, tandis que l’agence Fars dénonce un pays « livré au sectarisme et à la corruption ». Un ton nouveau, impensable il y a peu.
Dans le même temps, l’Iran tend timidement la main aux nouveaux maîtres de Damas. « Certains opposants ne sont pas des terroristes », argue le chef de la diplomatie Abbas Araghchi, ajoutant avoir « encouragé le dialogue » entre le régime Assad et les rebelles. Téhéran qui parlait jusqu’ici de « terroristes » pour désigner les insurgés, les qualifie désormais « d’opposition ».
L’avenir incertain de « l’axe de la résistance »
Au-delà des mots, l’Iran est inquiet pour ses intérêts. Avec la chute d’Assad, Téhéran perd un maillon essentiel de son « axe de la résistance » anti-israélien, qui incluait aussi le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien. Un axe déjà fragilisé par l’affaiblissement du Hezbollah après des semaines d’affrontements au Liban avec l’armée israélienne.
La Syrie jouait un rôle pivot pour ravitailler en armes le Hezbollah via son territoire. Un canal menacé par les nouveaux dirigeants syriens, proches de la Turquie et hostiles à l’influence iranienne. Le chef rebelle Abou Mohammad al-Jolani a fustigé une Syrie « livrée aux convoitises iraniennes », promettant de « couper les tentacules » de Téhéran.
« L’axe de la résistance se poursuivra même sans la Syrie », assure le diplomate Abbas Araghchi, reconnaissant toutefois que l’Iran « fera face à davantage de difficultés ».
La République islamique joue gros dans ce dossier. Son défi : réussir à sauvegarder ses intérêts stratégiques en Syrie, malgré le bouleversement géopolitique en cours. Un numéro d’équilibriste périlleux qui testera les talents diplomatiques de Téhéran et sa capacité d’adaptation dans un Moyen-Orient en pleine recomposition.