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L’Irak : Premier Recensement de sa Population en 40 ans

Pour la première fois en près de 40 ans, l'Irak compte sa population. Un recensement crucial pour le développement du pays, qui ne sera pas sans défis. Quels sont les enjeux de ce décompte tant attendu ?

L’Irak vit un moment historique cette semaine. Pour la première fois depuis près de 40 ans, le pays entreprend un recensement complet de sa population. Une initiative longtemps reportée en raison de l’instabilité chronique et des tensions dans ce pays multi-ethnique. Mais au-delà du simple décompte, ce recensement revêt une importance capitale pour l’avenir de l’Irak.

Un recensement attendu de longue date

Le dernier recensement couvrant l’ensemble de l’Irak remonte à 1987. Depuis, seule une édition partielle excluant le Kurdistan autonome a eu lieu en 1997. Les multiples conflits qui ont déchiré le pays, de l’invasion américaine de 2003 à la montée de Daech en 2014, ont rendu impossible toute tentative de comptage exhaustif de la population.

Aujourd’hui, l’Irak semble avoir retrouvé une relative stabilité, permettant enfin la tenue de ce recensement crucial. Pendant deux jours, le pays sera à l’arrêt, sous couvre-feu, pour permettre à 120 000 agents recenseurs de faire du porte à porte et collecter les données démographiques.

Une population jeune et en croissance

Selon les estimations officielles, l’Irak compterait actuellement environ 44 millions d’habitants, dont plus de 40% auraient moins de 15 ans. Des chiffres qui témoignent d’une population encore jeune et en pleine croissance démographique.

Mais au-delà de l’aspect purement quantitatif, ce recensement permettra d’obtenir une photographie précise de la société irakienne. Niveau d’éducation, situation professionnelle, conditions de vie… Autant de données essentielles pour orienter les politiques publiques et favoriser le développement d’un pays dont les infrastructures restent à reconstruire.

Des enjeux politiques et budgétaires

Mais dans un Irak encore marqué par les divisions confessionnelles et ethniques, ce recensement ne va pas sans susciter certaines tensions, notamment entre Bagdad et le Kurdistan autonome. Au cœur des préoccupations, la question des territoires disputés du nord, comme Kirkouk, revendiqués à la fois par les Kurdes et les Arabes.

Il y a des peurs du côté kurde d’un changement démographique dans ces régions. Certains y voient la main de Bagdad pour réduire le poids de la population kurde.

– Fahmi Burhane, responsable des territoires disputés au Kurdistan

Les résultats du recensement auront aussi un impact sur la répartition du budget fédéral entre les provinces, calculée au prorata de leur population. De quoi attiser les convoitises dans un pays qui tire l’essentiel de ses revenus du pétrole.

La représentation au Parlement devrait également être modifiée, la Constitution prévoyant un député pour 100 000 habitants. Politiquement et économiquement, les enjeux sont donc de taille.

Un recensement sous surveillance

Pour mener à bien ce décompte sensible, les autorités irakiennes bénéficient de l’appui logistique et technique du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). L’organisme onusien salue une opération « indispensable » pour doter l’Irak de données démographiques fiables et actualisées.

Cette supervision internationale se veut aussi un gage de neutralité et de transparence, alors que certains acteurs locaux redoutent des manipulations. Le recensement exclura d’ailleurs la mention de l’appartenance ethnique, une variable particulièrement sensible, pour se concentrer sur des critères plus factuels comme la religion ou la langue.

Un jalon pour la reconstruction

Au-delà des inévitables tensions qu’il suscitera, ce recensement marque une étape importante dans la normalisation et la reconstruction de l’Irak. Après des décennies de guerre et de chaos, le pays a besoin de se doter d’outils statistiques fiables pour planifier son redressement et son développement.

Comme le souligne le Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani, ce recensement doit contribuer au “progrès” d’un pays dont les infrastructures restent en lambeaux. Un défi immense, qui passe d’abord par une meilleure connaissance de soi.

Car derrière les chiffres de population, ce sont bien les contours du nouvel Irak qui se dessinent. Un Irak qui tente de tourner la page des conflits pour se projeter dans l’avenir. Un avenir qui ne pourra se construire sans une vision claire et partagée de ce qu’est la société irakienne d’aujourd’hui, dans toute sa diversité. C’est tout l’enjeu de ce recensement historique.

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