Depuis l’annonce par Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, c’est l’inquiétude qui règne au sein de l’écosystème français des start-up. Ce secteur, qui a bénéficié d’un soutien sans faille du président de la République depuis son premier mandat, craint que la dynamique vertueuse enclenchée ces dernières années ne soit brusquement stoppée.
« Je ne fais pas de politique, mais quand elle s’immisce brusquement dans mon quotidien, cela m’inquiète », confie Alexis Normand, patron de Greenly, une jeune pousse spécialisée dans la réalisation de bilans carbone pour les entreprises. « J’avais une bonne visibilité pour les trois prochaines années, et j’ai désormais peur que la dynamique s’enraye. »
Un soutien de poids depuis 2017
La French Tech n’est pas née avec Emmanuel Macron, mais le locataire de l’Élysée s’en est fait l’un des plus ardents défenseurs. Via son bras armé Bpifrance, l’État a investi près de 30 milliards d’euros en aides et prêts à l’innovation depuis dix ans sur le secteur, devenant même en 2023 le premier investisseur européen (et le deuxième au niveau mondial) dans le capital-risque.
Des succès à la pelle
Grâce à ce soutien, la France compte désormais 27 licornes (des start-up valorisées à plus d’un milliard d’euros), contre seulement 3 en 2017. Des success stories comme Doctolib dans la santé, Lydia dans le paiement mobile ou encore Dataiku dans l’intelligence artificielle sont devenues les symboles de la réussite de l’écosystème numérique tricolore.
Un écosystème fragilisé
Mais l’incertitude politique actuelle fait planer une ombre sur ce bilan flatteur. Alexis Normand, comme beaucoup d’entrepreneurs, redoute un changement brutal de cap après les élections : « Si les extrêmes arrivent au pouvoir, avec une vision très différente du rôle de l’État et de l’Europe, il y a un vrai risque de tuer la marque “French Tech” ».
Des craintes partagées
Ce sentiment est partagé par de nombreux acteurs de l’écosystème start-up. Pour Jean-David Chamboredon, président exécutif du fonds Isai, «il faut surtout éviter les grands écarts de politique économique». D’après lui, un virage à 180 degrés pourrait casser la dynamique engagée et «faire fuir les investisseurs étrangers».
De leur côté, les représentants du secteur appellent les candidats à se positionner clairement en faveur de l’innovation. « Il faut des propositions concrètes pour soutenir les start-up, comme la poursuite des baisses de charges sur les jeunes entreprises innovantes », plaide Maya Noël, directrice générale de France Digitale.
À quelques semaines des élections, l’heure est donc à la prudence chez les entrepreneurs de la French Tech. Beaucoup retiennent leur souffle en attendant de savoir si la prochaine majorité poursuivra, ou non, le travail engagé ces dernières années pour faire de la France une véritable “start-up nation”. L’avenir du numérique tricolore en dépend.