Les inégalités territoriales ont un impact alarmant sur la santé des plus jeunes en Île-de-France. C’est ce que révèle une récente étude de l’Observatoire régional de la santé, qui pointe du doigt les disparités d’accès aux soins et le moindre recours à la prévention selon les zones géographiques. Résultat : des problèmes dentaires, des troubles de la vision et de l’obésité plus fréquents chez les enfants de certains territoires. Sans oublier un taux de mortalité infantile également plus élevé. Décryptage d’une situation préoccupante.
Des caries et des dents non soignées en zones prioritaires
« Sur un groupe de quinze enfants, j’en ai régulièrement dix qui ont des caries et qui ne sont jamais allés chez le dentiste, c’est terrible », s’alarme Véronique Delormel, chirurgienne-dentiste intervenant dans les écoles franciliennes. Selon cette spécialiste qui voit près de 3000 enfants par an, le constat est sans appel dans les zones d’éducation prioritaire :
Il y a un nombre de caries non soignées très important. Parfois, des enfants de 6 ans ont déjà de multiples caries, très profondes ; d’autres ont des dents extraites mais sans que des mainteneurs d’espace aient été installés, ce qui hypothèque la poussée de la dent définitive.
Véronique Delormel, chirurgienne-dentiste
Une situation qu’on ne retrouve pas dans les cabinets de ville, selon cette professionnelle qui a longtemps exercé à Versailles. Les raisons ? Le manque d’accès aux soins dans certains territoires, mais aussi une prévention insuffisante.
L’Île-de-France, une région aux multiples visages
Car si l’Île-de-France passe pour une région riche et développée, elle concentre en réalité de fortes disparités socio-économiques et territoriales. Avec pour conséquence des inégalités criantes en matière de santé, qui se manifestent dès le plus jeune âge.
Ainsi, le taux de caries non soignées chez les enfants de 6 ans varie du simple au triple entre les Yvelines et la Seine-Saint-Denis, passant de 16,5% à 48,2%. Tandis que Paris affiche un taux de 21,7%.
Des troubles visuels et une obésité plus fréquents dans certaines zones
Outre les problèmes dentaires, l’étude met aussi en lumière une prévalence plus importante des troubles de la vision et de l’obésité dans les territoires les plus défavorisés. Des constats qui ne surprennent pas les mères de familles croisées à Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis : « On est en plein désert médical ici. Pour avoir un rendez-vous chez l’ophtalmo ou chez le dentiste, c’est minimum 6 mois d’attente, quand on trouve un praticien qui accepte de nouveaux patients », témoigne l’une d’elles.
Une pénurie de professionnels de santé qui retarde le dépistage de certaines pathologies et sur laquelle les pouvoirs publics tentent d’agir, avec des aides à l’installation notamment. Mais les mesures peinent à porter leurs fruits, face à l’ampleur du défi.
Une mortalité infantile plus élevée dans certains départements
Conséquence ultime de ce déséquilibre territorial en matière de santé : un taux de mortalité infantile qui varie fortement d’un département francilien à l’autre. Si Paris affiche un taux de 3,1 décès pour 1000 naissances, ce chiffre grimpe à 4,3 en Seine-Saint-Denis, contre seulement 2,7 dans les Yvelines.
Des écarts qui interpellent et appellent à une mobilisation renforcée des acteurs de santé sur le terrain. « On ne peut plus fermer les yeux sur ces inégalités qui impactent la santé et l’avenir de nos enfants. Il faut agir vite, en renforçant la prévention, en allant vers les populations les plus fragiles », martèle un médecin de PMI.
Vers une prise de conscience collective ?
Si la crise du Covid a mis en lumière l’importance d’un système de santé accessible à tous, elle a aussi révélé ses failles et ses inégalités. Avec l’espoir que cette prise de conscience débouche sur des actions concrètes en faveur d’un meilleur accès aux soins sur tout le territoire.
Car au-delà des conséquences individuelles, ces disparités pèsent sur l’ensemble de la société, avec des coûts humains et financiers non négligeables à long terme. L’urgence d’agir pour la santé des générations futures n’a jamais été aussi grande.
