Imaginez-vous à 35 ans, après des mois d’essais infructueux, entendre un médecin vous dire que tout est normal… alors que rien ne fonctionne. Cette situation, des millions de personnes la vivent chaque jour, dans le silence et parfois la honte. Pourtant, l’infertilité n’est pas une fatalité ni une punition : c’est une maladie reconnue. Et pour la première fois de son histoire, l’Organisation mondiale de la santé vient de publier des directives mondiales pour changer la donne.
Un tournant historique pour des millions de couples
Le chiffre est vertigineux : une personne sur six sera confrontée à l’infertilité au cours de sa vie reproductive. Ce n’est plus un problème marginal réservé à quelques pays riches. De Dakar à Buenos Aires, de Paris à Jakarta, la souffrance est la même. Et pourtant, l’accès aux soins reste cruellement inégal.
Dans certains pays, un seul cycle de fécondation in vitro représente deux années de salaire moyen. Résultat : des familles s’endettent, vendent leurs biens ou renoncent purement et simplement à leur rêve d’enfant. L’OMS parle sans détour de dépenses « catastrophiques » et brise enfin le tabou.
Qu’est-ce que l’infertilité, vraiment ?
L’OMS pose une définition claire et médicale : l’infertilité est une maladie du système reproducteur qui empêche d’obtenir une grossesse après douze mois (ou plus) de rapports réguliers non protégés. Point final. Ni faute, ni honte, ni fatalité.
Cette maladie peut toucher l’homme, la femme, ou les deux. Elle peut être primaire (jamais de grossesse) ou secondaire (après une ou plusieurs grossesses). Et surtout, elle provoque souvent une détresse psychologique profonde, parfois aggravée par la stigmatisation sociale.
« L’infertilité a été négligée bien trop longtemps »
Dr Pascale Allotey, directrice du département Santé sexuelle et reproductive de l’OMS
Les quarante recommandations qui peuvent tout changer
Publiées le vendredi 18 avril 2025, ces quarante recommandations constituent le premier cadre mondial unifié. Elles ne se contentent pas de parler technique : elles exigent une révolution dans l’organisation des systèmes de santé.
Parmi les mesures phares :
- L’intégration obligatoire des soins de fertilité dans les politiques nationales de santé
- La prise en charge financière progressive des traitements
- La formation des professionnels à des diagnostics complets (y compris masculins)
- La prévention prioritaire des facteurs de risque modifiables
- La création de parcours de soins gradués, du plus simple au plus complexe
Le diagnostic masculin, enfin pris au sérieux
Historiquement, quand un couple n’arrivait pas à concevoir, la femme était la première (et souvent la seule) à passer des examens. L’OMS met fin à cette injustice : dans près de 50 % des cas, un facteur masculin est présent, seul ou en association.
Les nouvelles directives insistent donc sur le spermogramme systématique, l’exploration des varicocèles, des antécédents d’infections ou de traumatismes. Un simple examen peut parfois éviter des années de traitements lourds à la femme.
À retenir : L’infertilité est un problème de couple dans la majorité des cas. Examiner les deux partenaires dès le départ fait gagner du temps, de l’argent et de l’espoir.
Des parcours de soins repensés de A à Z
L’OMS propose une approche graduée qui ressemble à une véritable pyramide des soins :
- Conseils simples sur les périodes fertiles et le mode de vie
- Stimulation ovarienne et rapports programmés
- Insémination intra-utérine
- Fécondation in vitro classique ou avec ICSI
- Techniques plus avancées (don de gamètes, diagnostic pré-implantatoire quand nécessaire)
Cette progressivité permet d’éviter de passer directement à la FIV (coûteuse et parfois inutile) quand des solutions plus légères suffisent.
La prévention avant tout
Beaucoup de causes d’infertilité sont évitables. L’OMS appelle à une mobilisation massive contre :
- Les infections sexuellement transmissibles non traitées (chlamydia, gonocoque)
- Le tabagisme actif et passif
- L’obésité et le surpoids
- La pollution environnementale
- Le report excessif de la parentalité dans certains contextes
Investir un euro dans la prévention peut en économiser des milliers en traitements lourds. C’est le message fort porté par ces directives.
Vers un monde où la fertilité ne dépend plus du portefeuille
Aujourd’hui, les soins de fertilité sont parmi les plus inégalitaires qui existent. Dans certains pays africains ou asiatiques, ils sont tout simplement inaccessibles. En Europe même, les différences de remboursement créent des « bébés à deux vitesses ».
Les recommandations de l’OMS ne sont pas contraignantes, mais elles constituent une arme puissante pour les associations de patients et les professionnels de santé qui militent pour un meilleur remboursement.
Plusieurs pays ont déjà annoncé vouloir s’en inspirer rapidement. Reste à voir si les engagements seront tenus.
Et maintenant ?
Ces directives ne sont pas une baguette magique. Leur succès dépendra de la volonté politique de chaque État. Mais elles marquent un point de non-retour : l’infertilité n’a plus le droit d’être le parent pauvre de la santé publique.
Pour les millions de personnes concernées, c’est une lueur d’espoir immense. Et peut-être, demain, la possibilité de réaliser leur rêve sans se ruiner ni se cacher.
Parce qu’avoir un enfant ne devrait jamais être un luxe.









