L’attractivité de la France pour les investissements étrangers dans l’industrie pharmaceutique semble s’éroder. Selon des acteurs clés du secteur, la complexité réglementaire, la fiscalité élevée et les prix bas des médicaments constituent un cocktail toxique pour ce marché stratégique dans l’Hexagone. Face à l’imprévisibilité croissante, les laboratoires peinent à convaincre leurs sièges de miser sur le territoire.
Un marché fragile et instable
D’après une source proche de plusieurs grands laboratoires pharmaceutiques, il est devenu très difficile ces deux dernières années de promouvoir la France auprès des directions américaines pour obtenir de nouveaux investissements, voire pour maintenir les niveaux actuels. L’instabilité politique, avec une succession de six ministres de la Santé en six ans, s’ajoute à un environnement réglementaire et fiscal déjà lourd. Les investisseurs ont besoin avant tout de prévisibilité, de stabilité et de simplicité pour s’engager sur le long terme.
Cette fragilité du marché français inquiète l’ensemble de la chaîne de valeur du médicament. Les pharmaciens voient leur modèle économique remis en cause et craignent pour la pérennité de certains traitements. Les industriels hésitent à relocaliser leur production, malgré les incitations gouvernementales depuis la crise sanitaire. Et les patients s’exposent à un risque accru de pénuries sur certains produits de santé essentiels.
Des coûts de production élevés
Au-delà de l’instabilité réglementaire, la structure des coûts pénalise la compétitivité française. Selon une étude récente, produire un médicament en France reviendrait 30% plus cher qu’en Italie et 20% de plus qu’en Allemagne. En cause : des prix de l’énergie supérieurs, des lourdeurs administratives et des contraintes spécifiques en termes de qualité et de traçabilité. Difficile dans ce contexte de convaincre un laboratoire étranger de localiser sa production dans l’Hexagone.
Les prix bas des médicaments remboursés ne permettent pas de rentabiliser les investissements industriels en France. Il faut des prix qui reflètent la valeur de l’innovation.
Un représentant de l’industrie pharmaceutique
L’impact des prix administrés
La politique de prix bas pratiqués par les autorités de santé pour limiter les dépenses d’assurance maladie représente un autre frein majeur aux investissements. D’après les données d’une fédération du secteur, la France se situe 20% en dessous de la moyenne européenne en termes de prix fabricant des médicaments remboursables. Une situation difficilement soutenable pour financer l’innovation et moderniser l’outil industriel, alors même que le marché français ne cesse de croître en volume.
- En France, les prix des médicaments remboursés sont fixés par le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS)
- Ces prix sont en moyenne inférieurs de 20% par rapport aux autres grands pays européens
- 40% des médicaments remboursables sont produits en France, contre 80% il y a trente ans
Vers une réforme globale ?
Face à ces multiples défis, l’industrie pharmaceutique plaide pour une grande réforme du modèle français du médicament. Il s’agirait de repenser toute la chaîne de valeur, de la recherche clinique jusqu’à la distribution en officine, en passant par la production. L’objectif : redonner de la visibilité et des marges de manœuvre aux acteurs, pour encourager l’investissement et l’innovation sur le territoire national.
Certaines pistes sont évoquées, comme une révision ciblée des prix et du remboursement pour mieux valoriser l’innovation, une simplification du parcours administratif des essais cliniques, ou encore des contrats de long terme avec l’État pour sécuriser les investissements industriels. Reste à transformer ces réflexions en un plan d’actions concret et partagé, pour redynamiser un secteur stratégique de l’économie française.
Le temps presse, car la concurrence internationale est féroce pour attirer les investissements pharmaceutiques. Entre la montée en puissance des pays émergents et les efforts de certains voisins européens pour renforcer leur attractivité, la France ne peut plus se permettre l’immobilisme. L’enjeu est autant sanitaire qu’économique, car il en va de la capacité du pays à garantir sa souveraineté sur des produits de santé vitaux et à conserver des emplois qualifiés sur son sol.