L’arrivée au pouvoir de Donald Trump à l’issue de l’élection présidentielle américaine suscite des sentiments contradictoires au sein de l’industrie pétrolière nationale. Si le secteur se réjouit de voir un fervent partisan des énergies fossiles s’installer à la Maison Blanche, il redoute dans le même temps les velléités du nouveau président de faire chuter les cours du brut. Une ambivalence qui fait planer le doute sur l’avenir d’une industrie en quête de stabilité.
Trump, un allié encombrant pour le pétrole américain ?
Selon plusieurs observateurs, l’élection de Donald Trump devrait permettre à l’industrie pétrolière et gazière de renouer avec un climat plus favorable, après des années de régulation sous l’administration démocrate. Le milliardaire a en effet promis de revenir sur de nombreuses mesures environnementales et de favoriser l’exploitation des ressources en hydrocarbures du pays.
Nous allons avoir un gouvernement qui va travailler avec l’industrie américaine du gaz et du pétrole, et ne les appellera pas profiteurs ou manipulateurs de prix comme l’a fait Biden.
Andy Lipow, analyste de Lipow Oil Associates
Mais dans le même temps, le nouveau locataire de la Maison Blanche inquiète par sa volonté affichée de faire baisser les prix de l’énergie, quitte à augmenter fortement la production. Une perspective qui fait craindre un afflux de barils sur un marché déjà bien approvisionné et des cours durablement déprimés.
Les limites de la dérégulation
Si Donald Trump accuse l’administration Biden d’avoir entravé la production pétrolière, de nombreux experts estiment que les freins à l’exploitation sont davantage à chercher du côté des marchés que de la régulation. Les actionnaires des compagnies pétrolières privilégient en effet la rentabilité à la hausse des volumes, après avoir subi de plein fouet la chute des cours en 2014-2016.
Le problème n’est pas la régulation, ce sont les marchés. Les actionnaires ne veulent pas voir les compagnies augmenter leur production parce qu’ils tiennent à leurs bénéfices.
Bill O’Grady, analyste chez Confluence Investment Management
Par ailleurs, une hausse significative de la production américaine risquerait de déstabiliser encore davantage le marché mondial, en créant un surplus d’offre dans un contexte de demande incertaine, notamment en Chine. De quoi exercer une pression baissière supplémentaire sur les prix.
Le spectre du contre-choc pétrolier
L’industrie pétrolière américaine garde un souvenir cuisant de la contre-offensive saoudienne de 2014-2016, lorsque le royaume avait décidé d’inonder le marché pour enrayer l’essor du pétrole de schiste outre-Atlantique. Cette stratégie avait fait chuter les cours jusqu’à 26 dollars et provoqué une hécatombe parmi les producteurs indépendants.
Échaudées, les compagnies ne souhaitent pas revivre un tel scénario. Selon plusieurs analystes, Donald Trump n’aura d’autre choix que de les pousser à augmenter leur production en usant de pressions verbales, comme ses prédécesseurs, lorsque les prix grimperont trop. Avec le risque de provoquer un nouveau retournement du marché.
Vers un choc de la demande ?
Autre sujet d’inquiétude pour l’industrie pétrolière : les velléités protectionnistes de Donald Trump. Le recours massif aux droits de douane pourrait en effet freiner la croissance économique mondiale et américaine, et donc peser sur la demande de produits raffinés.
Cela ralentirait la croissance tant aux Etats-Unis que dans le reste du monde, ce qui réduirait la demande de produits raffinés, poussant les prix vers le bas.
Analyse de Wood Mackenzie
A plus long terme, la remise en cause par Donald Trump de nombreuses mesures en faveur de la transition énergétique pourrait toutefois redonner un coup de fouet aux énergies fossiles, en ralentissant le développement des renouvelables. De quoi redonner de la vigueur aux cours du brut ?
Au final, si l’élection de Donald Trump a été accueillie positivement par une partie de l’industrie pétrolière américaine, la politique énergétique du nouveau président suscite tout autant d’espoirs que de craintes au sein du secteur. Entre dérégulation favorable, pétrole bon marché, demande incertaine et remise en cause de la transition bas-carbone, les acteurs peinent à y voir clair. Une seule certitude : les quatre prochaines années seront déterminantes pour l’avenir du pétrole made in USA.