Alors que Donald Trump a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de peser sur les décisions de la Banque centrale américaine, son président Jerome Powell s’est voulu rassurant mercredi quant à la capacité de la Fed à préserver son indépendance. Lors d’une conférence organisée par le New York Times, il a en effet affirmé ne pas craindre que l’institution perde son « indépendance statutaire ».
Pour Jerome Powell, cette indépendance est essentielle car elle permet à la Fed « de prendre des décisions dans l’intérêt de tous les Américains, et non pour un parti politique ou un résultat en particulier ». Il se dit d’ailleurs convaincu de bénéficier d’un très large soutien sur cette question au Congrès, dans les deux partis et les deux chambres.
Une tradition de dialogue avec le pouvoir politique
Si le retour de Donald Trump à la Maison Blanche suscite des inquiétudes sur de possibles pressions, Jerome Powell a tenu à souligner la relation particulière qui unit traditionnellement le président de la Fed et le secrétaire au Trésor, équivalent du ministre de l’Économie. Depuis 75 ans, ils « prennent un petit-déjeuner ou un déjeuner ensemble chaque semaine », a-t-il rappelé.
Pour occuper le poste de secrétaire au Trésor, Donald Trump a choisi Scott Bessent, un financier qui a imaginé un scénario affaiblissant largement l’indépendance de la Fed. Malgré tout, Jerome Powell s’est dit « convaincu » qu’il pourra nouer avec lui « le même type de relation qu’avec les autres secrétaires au Trésor », basée sur « la confiance, un respect mutuel et une reconnaissance des différentes autorités et limites » de chacun.
L’ombre de Janet Yellen
Cette question de l’indépendance de la Fed est d’autant plus sensible que l’actuelle secrétaire au Trésor de Joe Biden, Janet Yellen, avait elle-même présidé l’institution monétaire avant Jerome Powell. En 2018, Donald Trump avait rompu avec la tradition en ne lui accordant pas de second mandat à la tête de la banque centrale.
Cet épisode avait été perçu comme une tentative d’ingérence politique dans les affaires de la Fed. En réaffirmant haut et fort l’attachement à l’indépendance de l’institution, Jerome Powell envoie donc un message clair à la future administration Trump : les pressions pour influer sur la politique monétaire ont peu de chances d’aboutir.
L’indépendance de la Fed nous donne la capacité de prendre ces décisions pour le bénéfice de tous les Américains, et non pour un parti politique ou un résultat politique en particulier.
Jerome Powell, président de la Fed
Une crédibilité en jeu sur les marchés
Au-delà des enjeux politiques, l’indépendance de la Fed est scrutée de près par les marchés financiers. Toute suspicion d’ingérence dans les décisions de politique monétaire pourrait en effet entamer la crédibilité de l’institution et semer le trouble chez les investisseurs.
En ces temps d’incertitude économique, entre inflation élevée et risques de récession, les interventions de la Fed sont plus que jamais passées au crible. Jerome Powell en est bien conscient et sait que le maintien de la confiance dans l’indépendance de la banque centrale sera l’un des défis majeurs de son mandat.
Un rôle clé dans la régulation financière
Outre la conduite de la politique monétaire, la Fed joue aussi un rôle essentiel dans la régulation et la supervision du système bancaire américain. Là encore, son indépendance est cruciale pour garantir une action guidée par des considérations techniques et l’intérêt général, plutôt que par des pressions politiques ou des intérêts particuliers.
Depuis la crise financière de 2008, ces missions de régulation ont gagné en importance avec l’adoption de nouvelles règles visant à renforcer la solidité des banques. Certains au sein du parti républicain plaident régulièrement pour un allègement de ces contraintes réglementaires, au nom de la compétitivité du secteur financier.
Il doit y avoir de la confiance, un respect mutuel et une reconnaissance des différentes autorités et limites que nous avons, mais une relation très constructive.
Jerome Powell, à propos de sa future relation avec le secrétaire au Trésor
Dialogue et pédagogie
Pour préserver son indépendance, la Fed mise aussi beaucoup sur sa communication et sa transparence. En expliquant ses décisions et le raisonnement qui les sous-tend, elle cherche à convaincre les responsables politiques et le grand public du bien-fondé de son action.
Dans cette optique, Jerome Powell multiplie les interventions publiques, comme cette conférence au New York Times, pour réaffirmer les principes qui guident l’institution. Un travail de pédagogie indispensable pour préserver la précieuse indépendance de la banque centrale américaine face aux inévitables pressions politiques des prochaines années.
Car malgré la confiance affichée par son président, nul doute que la détermination de la Fed sera mise à l’épreuve sous la future administration Trump. D’où l’importance de ce rappel des fondamentaux par Jerome Powell : l’indépendance de la Fed n’est pas négociable, elle est la clé de sa crédibilité et de sa capacité à remplir efficacement ses missions au service de l’économie américaine.
Une mise au point ferme mais nécessaire à l’heure où les vents contraires s’annoncent. La Fed est prévenue, elle sait qu’elle devra faire preuve de résolution pour tenir le cap malgré les bourrasques politiques qui s’annoncent. Mais Jerome Powell semble déterminé à relever le défi, fort du soutien du Congrès et de la légitimité que confère l’indépendance à son action. Les prochains mois diront si ce rempart est suffisamment solide pour résister à l’offensive trumpienne qui se profile.