L’Inde s’apprête à ouvrir en grand les portes de ses prisons. D’ici le 26 novembre prochain, jour de la Constitution indienne, des dizaines de milliers de détenus provisoires devraient être remis en liberté sous contrôle judiciaire, a annoncé le ministre de l’Intérieur Amit Shah. Une mesure choc destinée à désengorger les prisons du pays, qui débordent de personnes en attente de jugement depuis de longues années.
Un tiers des prisons indiennes occupées par des détenus provisoires
Selon les dernières statistiques gouvernementales, les 1 400 prisons indiennes hébergeaient début 2024 un total de 134 799 détenus provisoires, dont 11 448 incarcérés depuis plus de cinq ans sans avoir été jugés. Faute de moyens et à cause d’une procédure désuète héritée de l’époque coloniale britannique, la justice indienne croule sous les dossiers en souffrance :
- 533 000 affaires en attente depuis 20 à 30 ans
- 3 000 dossiers non jugés depuis plus de 50 ans
L’an dernier, la Cour suprême elle-même déplorait que la justice était rendue à « la vitesse d’un escargot » en Inde. Il faut dire que le pays dispose d’à peine un juge pour 21 millions d’habitants. Un sous-effectif criant qui explique ces délais interminables et les conditions de détention difficiles des prévenus.
Une libération conditionnelle pour désengorger les prisons
Pour remédier à cette situation, les autorités ont donc décidé de remettre en liberté sous caution judiciaire tous les détenus provisoires incarcérés depuis au moins un tiers de la peine maximale encourue pour les faits qui leur sont reprochés. Ceux accusés des crimes les plus graves seront exclus du dispositif.
Le ministre n’a pas précisé combien de détenus étaient concernés par cette mesure. Mais il a assuré que cela permettrait de réduire significativement la population carcérale en attente de procès. Les tribunaux devront aussi examiner plus rapidement les demandes de remise en liberté si le procès n’est pas engagé après un certain délai.
L’Inde promet la justice pénale la plus rapide au monde
Au-delà de ce coup d’éclat, Amit Shah a promis une réforme plus profonde du système judiciaire indien. « Dans les dix ans à venir, la justice pénale indienne sera la plus moderne, la plus technologiquement avancée et la plus rapide au monde », a-t-il déclaré mardi devant des policiers.
Reste à savoir si ces annonces seront suivies d’effets. Car pour atteindre ces objectifs ambitieux, il faudra recruter massivement des magistrats, moderniser des tribunaux vétustes et simplifier des procédures complexes. Un vaste chantier qui nécessitera du temps et des moyens, dans un pays qui peine déjà à financer correctement sa justice.
Mais en attendant cette révolution judiciaire, l’ouverture des prisons aux détenus provisoires est déjà une petite révolution pour des dizaines de milliers de familles indiennes. Même s’ils restent présumés innocents, ces prévenus vont pouvoir retrouver un semblant de liberté et reprendre le cours de leur vie, après des années perdues derrière les barreaux sans avoir été jugés.