Dans les îles reculées d’Indonésie, vit une espèce animale des plus singulières. Les babiroussas, dont le nom signifie « cochon-cerf » en malais, fascinent autant qu’ils inquiètent. Et pour cause, les mâles arborent d’imposantes défenses qui, aussi incroyable que cela puisse paraître, finissent par causer leur perte de la plus étrange des manières.
Une Malformation Anatomique Fatale
Les babiroussas mâles possèdent deux paires de canines. Si celles de la mâchoire inférieure servent à se défendre, celles du maxillaire supérieur poussent vers le haut, transperçant la peau du groin pour se recourber en direction du crâne. Ces défenses en ivoire peuvent atteindre 30 cm et continuent de grandir tout au long de la vie de l’animal.
Mais loin d’être un atout, cette caractéristique s’avère mortelle. Au fil des années, les défenses finissent inexorablement par perforer le crâne des malheureux babiroussas. Une mort lente et douloureuse, que certains individus évitent de peu en succombant avant à une infection du groin causée par la pousse des canines.
La Séduction, au Péril de leur Vie
Mais alors, quel est l’intérêt évolutif d’un tel handicap ? D’après les experts, ces appendices joueraient un rôle clé dans la parade nuptiale. Plus les défenses sont longues et recourbées, plus le mâle serait attirant aux yeux des femelles. Un critère de sélection pour le moins surprenant, qui condamne pourtant les élus à une fin prématurée.
La nature a parfois une drôle de façon de procéder. Chez les babiroussas, la survie de l’espèce semble primer sur celle des individus mâles.
Explique un biologiste spécialiste des mammifères insulaires
Une Espèce Menacée
Endémique des îles Togian et Sula en Indonésie, le babiroussa est une espèce vulnérable. On estime la population à seulement 4000 individus, menacés par la chasse et la déforestation. S’ajoute à cela la prédation par les pythons réticulés, friands de leur chair.
Des mesures de protection ont été mises en place, avec la création d’aires protégées et de programmes de conservation. Mais la survie à long terme des babiroussas, déjà compromise par leur faible effectif, apparaît d’autant plus incertaine au vu du funeste destin qui attend la plupart des mâles adultes.
Un cas unique dans le règne animal, qui illustre les impasses évolutives dans lesquelles peuvent parfois se fourvoyer certaines espèces. Les défenses des babiroussas, développées pour assurer leur reproduction, sont devenues paradoxalement leur plus grande menace. Un véritable cul-de-sac darwinien, dont on peut se demander s’ils parviendront à s’extraire avant qu’il ne soit trop tard.
Une Lueur d’Espoir ?
Heureusement, tous les mâles ne sont pas concernés par cette malédiction. Certains succombent à d’autres maux avant que leurs défenses n’atteignent une taille critique. De même, l’instinct de survie en pousse quelques uns à user leurs canines en les frottant contre les arbres, limitant ainsi leur croissance.
Des adaptations comportementales qui, couplées aux efforts de protection, laissent une chance aux babiroussas de perdurer. À condition que les mâles apprennent à ne plus succomber au désir des femelles pour leurs plus grands atours. Un défi de taille pour ces cochons-cerfs, dont la parade amoureuse s’apparente à un véritable chant du cygne.
Gageons que l’ingéniosité du vivant saura trouver une parade à ce piège mortel. Car après tout, la nature a plus d’un tour dans son sac quand il s’agit d’assurer la pérennité des espèces. Même celles qui, comme les babiroussas, semblent vouées à disparaître à cause de ce qui fait pourtant leur singularité.