Dans les campagnes françaises, se déplacer relève souvent du parcours du combattant pour les jeunes de 15 à 29 ans. Une étude édifiante publiée par l’Institut Terram révèle l’ampleur de cette problématique et son impact dévastateur sur leur santé mentale. Zoom sur une jeunesse rurale en souffrance, piégée par les contraintes de mobilité.
Plus de 2h30 par jour dans les transports : le quotidien épuisant des jeunes ruraux
Représentant un quart des 15-29 ans en France, les jeunes ruraux passent en moyenne 2h37 par jour dans les transports, soit 42 minutes de plus que leurs homologues urbains. Un temps précieux grignoté sur leurs études et loisirs, source de fatigue et de frustration.
Très dépendants de la voiture individuelle, ils jugent les transports en commun inadaptés à leurs besoins. Bus et trains sont pointés du doigt, avec respectivement 53% et 62% des sondés les estimant “mal desservis”. Un sentiment d’abandon renforcé par des budgets transport exorbitants : 528€ mensuels en moyenne, dont 461€ rien que pour le véhicule personnel !
Le renoncement aux activités culturelles, un déchirement
Faute de solutions pour se déplacer, 57% des jeunes issus des zones très peu denses ont dû renoncer à des pratiques culturelles. Un sacrifice douloureux, synonyme d’isolement et de perte de lien social. L’accès à l’emploi s’avère également compromis : 38% ont déjà renoncé à un entretien d’embauche, freinés par les difficultés de mobilité.
Anxiété, pensées suicidaires : la détresse psychologique des jeunes ruraux
Sans surprise, cette situation pèse lourdement sur la santé mentale. 76% des jeunes ruraux rapportent avoir traversé des périodes intenses de stress, nervosité ou anxiété. Pire encore, plus d’un tiers (35%) a eu des pensées suicidaires. Des chiffres alarmants, bien supérieurs à ceux observés chez les jeunes citadins.
La mobilité est un facteur d’exclusion majeur pour toute une partie de la jeunesse, avec des conséquences dramatiques sur leur équilibre psychologique et leurs perspectives d’avenir.
souligne Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop.
Fracture territoriale et vote contestataire : un cocktail explosif
Face à ce sentiment d’abandon, le vote Rassemblement national progresse dans les campagnes. Au premier tour de la présidentielle 2022, Marine Le Pen a séduit 39,6% des jeunes ruraux, contre seulement 18,1% des urbains. Une adhésion nourrie par la colère et la défiance envers des pouvoirs publics jugés indifférents à leur sort.
Il y a urgence à remettre la question des mobilités au cœur des priorités politiques. Développer une offre de transports adaptée, abordable et écologique en milieu rural est un impératif pour renforcer la cohésion nationale et offrir à tous les jeunes les mêmes chances de réussite. Un défi majeur pour les années à venir, sous peine de voir se creuser davantage encore les fractures territoriales et générationnelles.
