Alors que l’Allemagne vient de rétablir les contrôles à ses frontières et que les Pays-Bas préparent une loi d’urgence sur l’immigration, la France semble naviguer à vue sur ce sujet brûlant. Tiraillé entre la nécessité d’accueillir dignement les migrants et la crainte d’une opinion publique de plus en plus hostile, le pays peine à définir une politique migratoire claire et assumée. Une situation qui profite à l’extrême droite et fragilise le pacte républicain.
Une Europe sous tension face aux flux migratoires
Avec plus de 6 millions de personnes ayant émigré vers les pays développés en 2022 et 2023, les flux migratoires n’ont jamais été aussi importants depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Guerres, régimes autoritaires, échec du développement, réchauffement climatique… Les facteurs poussant des millions d’hommes et de femmes à l’exil ne manquent pas.
Face à cet afflux, l’Europe apparaît comme une destination privilégiée. Vieillissante mais riche, offrant des libertés garanties par l’État de droit et une protection sociale généreuse, elle attire logiquement de nombreux migrants. Une réalité démographique d’autant plus frappante quand on la compare à l’évolution de la population européenne : en 2050, notre continent ne comptera plus que 480 millions d’habitants âgés de 48 ans en moyenne.
L’Allemagne et les Pays-Bas serrent la vis
Pour tenter de réguler ces flux, plusieurs pays ont décidé de muscler leur politique migratoire ces derniers mois. C’est le cas de l’Allemagne, qui a rétabli en mai des contrôles à ses frontières avec la Pologne et la République tchèque. Ou encore des Pays-Bas, dont le gouvernement prépare une loi d’urgence visant à restreindre drastiquement l’accès au territoire pour les demandeurs d’asile.
Il s’agit d’un signal clair envoyé par ces deux pays : face à la pression migratoire, ils entendent reprendre le contrôle et limiter les entrées.
analyse un diplomate européen
La France en panne de politique migratoire
Pendant ce temps, la France semble naviguer à vue. Depuis des années, le sujet de l’immigration empoisonne le débat politique national, sans qu’aucun consensus n’émerge sur la ligne à tenir. Résultat : le pays “reste le seul en Europe à ne disposer d’aucune politique migratoire digne de ce nom“, tranche l’économiste Nicolas Baverez dans sa chronique publiée sur Le Figaro.
Cet immobilisme arrangerait bien le Rassemblement national et son discours anti-immigration. En agitant les peurs d’une submersion migratoire, le parti d’extrême droite engrange les succès électoraux, comme aux dernières législatives où il a raflé 89 sièges de députés. Une poussée qui contraint le gouvernement macroniste à un numéro d’équilibriste périlleux, entre fermeté et humanisme.
Quel cap pour refonder la politique migratoire ?
Face à ces tensions, il y a urgence à repenser en profondeur la politique migratoire française. Plusieurs pistes sont régulièrement évoquées par les experts :
- Mieux coordonner l’action au niveau européen pour harmoniser les règles et mutualiser la gestion des flux
- Dégager plus de moyens pour assurer des conditions d’accueil dignes et faciliter l’intégration des migrants (logement, emploi, éducation…)
- Réviser les accords bilatéraux avec les pays d’origine pour mieux prévenir et accompagner les départs
- Ouvrir un débat apaisé et rationnel dans la société pour recréer du consensus sur ce sujet clivant
Autant de chantiers complexes mais indispensables pour sortir de l’ornière. Car continuer de subir l’immigration sans l’assumer est le meilleur moyen de nourrir les fantasmes et l’extrémisme. Refonder la politique migratoire française apparaît donc comme une urgence démocratique. Avant que le sujet ne fasse exploser le pays.
