Quand on prend 102 points en Euroligue et qu’on en marque seulement 66, on sait que la soirée a été compliquée. Mais quand, moins de douze heures plus tard, le club annonce votre licenciement, on passe dans une autre dimension. C’est exactement ce qui est arrivé à Igor Kokoskov ce jeudi 27 novembre 2025.
Un divorce express qui fait trembler l’Euroligue
Recruté l’été dernier pour trois saisons avec l’ambition affichée de ramener Anadolu Efes au sommet de l’Europe, le technicien serbe n’aura tenu que quelques mois. La défaite historique concédée sur le rocher face à une équipe de Monaco en feu a été la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà bien rempli.
Le score final – 102 à 66 – parle de lui-même. Trente-six points d’écart, un troisième quart-temps cauchemardesque (32-9, une adresse extérieure catastrophique et une défense aux abonnés absents. Les images de Mike James et ses coéquipiers qui dansaient sur le parquet de Gaston-Médecin ont fait le tour du basket européen en quelques minutes.
Un début de saison déjà très inquiétant
Mais réduire ce limogeage à une seule soirée serait trop réducteur. Depuis le début de la saison, Anadolu Efes navigue en eaux troubles. Quinzième place en Euroligue avec un bilan négatif, trois défaites consécutives en championnat turc… Les signaux d’alarme clignotaient depuis longtemps.
Le projet Kokoskov devait pourtant tout changer. L’homme avait un CV long comme le bras : assistant aux Detroit Pistons lors du titre 2004, sélectionneur de la Slovénie championne d’Europe 2017, passage en NBA à Phoenix, Utah, Dallas… Un profil expérimenté, respecté, capable de gérer des egos et de construire un basket moderne.
Pourtant, dès les premières semaines, ça n’a pas collé. Les automatismes ne prenaient pas, les joueurs semblaient perdus, et les résultats ne suivaient pas. Les supporters stambouliotes, habitués aux finales et aux titres avec Ergin Ataman, ont vite commencé à gronder.
La pression insoutenable du banc turc
Être entraîneur d’Anadolu Efes, c’est accepter de vivre sous un volcan. Le club, double champion d’Euroligue en 2021 et 2022, n’a pas l’habitude de la médiocrité. Quand les résultats ne sont pas là, la direction tape du poing sur la table. Et vite.
On se souvient d’Ergin Ataman, parti en grandes pompes après des années de gloire, mais aussi des passages plus courts de coaches comme Velimir Perasovic ou même David Blatt. À Istanbul, on ne laisse pas le temps au temps. L’exigence est maximale, le droit à l’erreur quasi inexistant.
« En Turquie, quand tu perds trois matchs de suite, on te regarde déjà comme si tu avais volé quelque chose à la nation. »
Un ancien joueur étranger d’Efes, sous couvert d’anonymat
Un contexte : l’Euroligue vit une saison de tous les bouleversements
Ce qui rend l’affaire Kokoskov encore plus marquante, c’est qu’elle n’est pas isolée. Quelques jours plus tôt, Ettore Messina quittait Milan dans des conditions tout aussi brutales. Zeljko Obradovic, légende vivante, a lui aussi été remercié par le Partizan Belgrade après un début de saison chaotique.
Trois coaches de renom, trois licenciements en quelques semaines. L’Euroligue 2025-2026 est en train de vivre une véritable hécatombe sur les bancs. La concurrence est plus rude que jamais, les budgets explosent, et les présidents n’hésitent plus à trancher dans le vif dès novembre.
Monaco, le Real Madrid, le Barça, l’Olympiakos, le Fenerbahçe nouvelle version… Les mastodontes avancent à plein régime. Les clubs historiques qui ratent leur début de saison n’ont plus de marge. C’est simple : soit tu gagnes tout de suite, soit tu dégages.
Radovan Trifunovic, pompier de service
En attendant de nouveau head coach, Anadolu Efes a nommé Radovan Trifunovic en intérim. L’adjoint serbe, déjà présent dans le staff, connaît la maison et les joueurs. Mais tout le monde sait que ce n’est qu’une solution temporaire.
Les rumeurs vont déjà bon train sur le futur patron du banc. Des noms comme Luca Banchi (succès retentissant à Virtus Bologne et avec la Lettonie), Joan Peñarroya ou même un retour d’Ergin Ataman (aujourd’hui à Panathinaikos) circulent dans les couloirs d’Istanbul. Rien n’est acté, mais la direction veut frapper fort.
Que retenir de l’ère Kokoskov à Efes ?
Objectivement, peu de choses. Quelques victoires encourageantes en début de saison, une volonté affichée de jouer plus vite et de développer les jeunes talents turcs, mais globalement un échec retentissant. Le basket proposé manquait de fluidité, la défense était trop permissive, et l’alchimie avec les stars (Shane Larkin en tête) n’a jamais pris.
Pour Kokoskov, c’est un coup dur. À 53 ans, il va devoir rebondir. La NBA ? Un retour en sélection ? Un autre gros club européen ? Son téléphone va sonner, c’est certain. Mais cette parenthèse turque laissera des traces.
Et maintenant pour Anadolu Efes ?
Le chantier est immense. L’équipe est décimée moralement, le calendrier ne laisse aucun répit, et la concurrence n’attend pas. Le prochain match, déjà, c’est contre le Fenerbahçe à Istanbul. Autant dire que le derby arrive au pire moment.
Mais dans le basket turc, on a vu des résurrections spectaculaires. Un nouveau coach charismatique, deux-trois ajustements de roster à la mi-saison, et tout peut basculer. Efes a les moyens de ses ambitions. Reste à trouver la bonne formule.
Une chose est sûre : cette saison 2025-2026 d’Euroligue restera dans les mémoires comme celle où les géants ont décidé de ne plus attendre pour changer de cap. Brutal, impitoyable, mais tellement basket de haut niveau.
Affaire à suivre, évidemment. Parce qu’à Istanbul, quand ça bouge, ça bouge fort.









