Imaginez un pays qui possède les plus grandes réserves pétrolières d’Afrique, pourtant incapable depuis près de vingt ans d’attribuer de nouvelles licences d’exploration à des compagnies étrangères. Ce pays, c’est la Libye. Et tout pourrait changer dans quelques semaines seulement.
Un retour historique sur la scène pétrolière mondiale
Début 2026, plus précisément entre février et mars, la Compagnie nationale de pétrole libyenne (NOC) annoncera les noms des entreprises qui ont remporté le tout dernier appel d’offres lancé en mars 2025. Il s’agit du premier round d’attribution de concessions depuis la vague de 2007-2008, qui portait alors essentiellement sur le gaz naturel.
Ce simple fait suffit à mesurer l’ampleur de l’événement dans un secteur où chaque année compte. Dix-huit années sans nouveau bloc offert aux investisseurs internationaux, c’est une éternité dans l’industrie des hydrocarbures.
Des blocs onshore et surtout offshore très prometteurs
Les permis concernés couvrent une vingtaine de zones, à la fois sur terre et en mer. Hussain Safar, membre du conseil d’administration de la NOC, a particulièrement insisté sur le potentiel des blocs offshore lors du Forum international du gaz Libye-Afrique organisé à Tripoli.
Ces zones en Méditerranée sont considérées comme hautement prospectives. Leur développement pourrait, selon les estimations officielles, permettre à la Libye de porter sa production à 2 millions de barils par jour dans les années à venir, contre 1,4 million actuellement.
À plus court terme, l’objectif affiché est d’atteindre 1,5 million de barils d’ici deux ans. Un bond de plus de 10 % qui ferait retrouver au pays son rang d’avant 2011.
« Les gagnants de la nouvelle série d’octroi de licences aux entreprises étrangères seront annoncés entre février et mars prochains »
Hussain Safar, membre du conseil d’administration de la NOC
Qui sont les prétendants ?
L’été dernier, la NOC avait déjà révélé qu’une trentaine de compagnies avaient été pré-qualifiées. Parmi elles, on retrouve les habitués du continent :
- ExxonMobil
- TotalEnergies
- Eni
- Shell International
- British Petroleum
La présence de ces majors témoigne de l’attractivité retrouvée du sous-sol libyen, malgré les risques politiques toujours présents.
Des réserves qui font toujours rêver
Avec 48,4 milliards de barils de réserves prouvées, la Libye reste le leader incontesté en Afrique et pointe à la neuvième place mondiale. Un trésor qui n’a été que très partiellement exploité depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.
Les conflits successifs, les blocus pétroliers répétés et surtout la division du pays entre deux gouvernements rivaux ont transformé ce géant potentiel en acteur erratique de l’OPEP.
Rappel des chiffres clés
• Réserves prouvées : 48,4 milliards de barils
• Production actuelle : 1,4 million b/j
• Objectif à moyen terme : 2 millions b/j
• Rang africain : 1er
• Rang mondial : 9e
Un pays toujours coupé en deux
Le principal obstacle reste politique. La Libye vit depuis des années avec deux exécutifs qui se disputent la légitimité :
- Le Gouvernement d’unité nationale (GNU) à Tripoli, dirigé par Abdelhamid Dbeibah et reconnu par l’ONU.
- Le pouvoir parallèle à l’Est, contrôlé par le maréchal Khalifa Haftar et ses fils.
Cette dualité complique chaque décision stratégique, y compris dans le secteur pétrolier. Pourtant, la NOC, basée à Tripoli, parvient à maintenir une certaine continuité technique et à organiser cet appel d’offres avec l’aval apparent des deux parties.
Pourquoi maintenant ?
Plusieurs facteurs convergent. La hausse des prix du brut depuis 2023 a redonné de l’appétit aux investisseurs. Par ailleurs, les besoins budgétaires de l’État libyen sont immenses pour reconstruire les infrastructures détruites et payer les fonctionnaires.
Enfin, la relative accalmie sécuritaire observée ces derniers mois – malgré quelques incidents – permet d’envisager le retour progressif des expatriés et des équipements lourds.
Les défis qui subsistent
Malgré l’optimisme affiché, les obstacles restent nombreux :
- Sécurité des installations pétrolières souvent menacées
- Corruption endémique
- Infrastructures vieillissantes
- Absence d’un cadre légal unifié accepté par toutes les parties
- Risque de nouveaux blocus par les milices locales
Chaque pic de tension politique se traduit immédiatement par une chute de la production, comme on l’a vu à plusieurs reprises ces dernières années.
Un signal fort pour l’Afrique entière
Si cet appel d’offres aboutit et que les compagnies lauréates peuvent réellement investir, le message envoyé au continent sera puissant : même dans les contextes les plus complexes, le pétrole africain reste attractif.
Dans un monde où les majors réduisent parfois leurs engagements sur le continent au profit du gaz ou des énergies renouvelables, voir ExxonMobil ou TotalEnergies revenir en Libye serait un contre-exemple retentissant.
Le rendez-vous est donc pris. Début 2026, le monde entier aura les yeux tournés vers Tripoli pour découvrir quels acteurs auront osé parier sur l’avenir pétrolier libyen. Un pari risqué, certes, mais potentiellement extrêmement lucratif.
Car au-delà des chiffres et des annonces officielles, c’est toute la question de la reconstruction d’un État fracturé qui se jouera, en partie, à travers ces nouvelles concessions.









