La liberté d’expression est-elle en danger au Royaume-Uni ? C’est la question qui agite les esprits depuis qu’une journaliste conservatrice britannique a révélé faire l’objet d’une enquête pour “incitation à la haine raciale”. Son tort ? Avoir publié il y a un an sur X (ex-Twitter) un message polémique mettant en cause des sympathisants d’un parti pakistanais lors de manifestations propalestiniennes et proisraëliennes. L’affaire met le feu aux poudres et relance le débat sur les limites de la liberté d’expression dans le pays.
Un tweet qui fait polémique
Allison Pearson, chroniqueuse au très conservateur Daily Telegraph, a raconté cette semaine la visite impromptue de la police à son domicile dimanche dernier. Motif de ce déplacement : l’informer qu’elle faisait l’objet d’une enquête pour un possible “crime de haine”, suite à un tweet signalé par un internaute et jugé comme incitant à la haine raciale. La journaliste s’est dite “sidérée” et “choquée” par cette intrusion de l’État dans sa vie privée pour une simple opinion exprimée.
Si le message en question a été depuis supprimé, il montrait selon la BBC une photo de deux policiers posant avec des hommes tenant un drapeau du parti pakistanais Tehreek-e-Insaf. Allison Pearson avait commenté : “Invitée à poser pour une photo avec les sympathiques et pacifiques British Friends of Israel samedi, la police a refusé. Regardez ces gens qui sourient avec ceux qui détestent les juifs”.
L’extrême droite et la droite conservatrice montent au créneau
Cette affaire a immédiatement suscité une levée de boucliers du côté de la droite et de l’extrême droite britannique. Des figures comme l’ancien Premier ministre conservateur Boris Johnson ou le président du parti d’extrême droite Reform UK ont pris la défense d’Allison Pearson. Boris Johnson, dans une tribune publiée dans le Daily Mail, a accusé l’actuel chef du gouvernement travailliste de menacer la liberté d’expression à travers cette affaire, comparant la situation à “l’Union soviétique dans ce qu’elle avait de pire”. Il a appelé la police à “surveiller les rues, pas les tweets”.
Nous ne devrions pas voir des journalistes recevoir la visite de la police pour avoir exprimé des opinions.
Kemi Badenoch, cheffe de l’opposition conservatrice
L’opposition appelle à revoir les lois
Du côté de l’opposition officielle conservatrice, on dénonce également cette enquête et on appelle à un réexamen des lois entourant la liberté d’expression au Royaume-Uni. La patronne des Tories Kemi Badenoch a déclaré dans le Telegraph :
Le fait que les gens ne prennent pas la liberté d’expression au sérieux est un problème de longue date.
Kemi Badenoch
Elle a appelé à une révision des textes sur le sujet, estimant anormal que des journalistes soient inquiétés par la police pour de simples prises de position.
Quelles limites pour la liberté d’expression ?
Cette affaire ravive le débat épineux sur les frontières de la liberté d’expression dans les démocraties. Si ce droit fondamental est un pilier de nos sociétés, il n’en est pas pour autant absolu et illimité. La plupart des pays, dont le Royaume-Uni, ont des lois qui répriment certains abus comme la diffamation, l’injure, l’apologie du terrorisme ou l’incitation à la haine raciale.
Mais la frontière peut parfois être ténue entre l’expression d’une opinion, même très controversée, et un délit caractérisé. Une zone grise propice à des interprétations divergentes selon la sensibilité de chacun. Sur les réseaux sociaux, propices aux dérapages et à l’outrance, la modération est un véritable casse-tête.
Dans le cas d’Allison Pearson, son message polémique sur X comparant des supporters d’un parti pakistanais à “ceux qui détestent les juifs” est clairement une opinion très engagée et clivante. Il n’en demeure pas moins assez flou sur la qualification juridique d'”incitation à la haine raciale”. D’aucuns y verront un procès d’intention abusif fait à la police britannique. La commentatrice n’a pas explicitement appelé à la haine ou à la violence envers ce parti ou certaines communautés.
Le débat fait en tout cas rage outre-Manche. Pour les défenseurs d’une liberté d’expression la plus étendue, l’enquête contre la journaliste conservatrice est symptomatique d’une société devenue trop “woke” et prompt à voir le racisme ou la haine partout. Pour d’autres, le message d’Allison Pearson versait clairement dans des amalgames dangereux, ciblant abusivement des sympathisants de la cause palestinienne en les assimilant à des antisémites.
Une chose est sûre : cette affaire n’a pas fini d’enflammer les réseaux sociaux et le débat public britannique. Elle pose une nouvelle fois avec acuité la question de l’équilibre délicat entre liberté d’expression et répression des discours toxiques. Un dilemme complexe à l’heure où chacun peut donner de la voix sur internet, pour le meilleur comme pour le pire.
Les points clés à retenir
- Une journaliste du Telegraph visée par une enquête pour “incitation à la haine raciale” après un tweet polémique
- L’extrême droite et la droite conservatrice dénoncent une atteinte à la liberté d’expression et exigent une révision des lois
- L’affaire relance le débat sur les limites de la liberté d’expression et la modération sur les réseaux sociaux
- Un équilibre délicat entre droit fondamental à la liberté de parole et répression des discours haineux